Qui étaient nos ancêtres ?
passer au « canon », la rasade individuelle donnant au soldat un bon coup de canon – toutes façons de « picoler », autrement dit de boire de ce vin léger que les Italiens des troupes de Garibaldi appelaient le piccolo.
Deux grands absents : le boucher et le boulanger !
Au nombre des autres acteurs incontournables, nous trouvons le meunier et le forgeron, tous deux influents et qui s’enrichissent facilement. Autour du second gravitent de plus modestes charrons, fabricants de chars, de charrettes, de chariots et de carrosses, bref de tous équipements munis de ces roues à rayons que fabriquaient à l’origine les royers et dont les charpentiers leur avaient un temps disputé la pratique.
Chez ces derniers, on distingue les charpentiers « en bateaux », spécialisés dans la fabrication des mâts de navire, et ceux « en place », eux-mêmes divisés en charpentiers « de grande ou de petite cognée » ou « de haute ou de petite futaie », selon qu’ils travaillent les gros ou les petits bois. On retrouve ici la classique distinction faite entre les grossiers et les menusiers, devenus nos menuisiers, ainsi nommés selon qu’ils fabriquent de gros ou de menus ouvrages. Les menuisiers, il faut le dire, étaient assez rares, du fait de la longue pénurie en meubles, longtemps limités au coffre et à son ancêtre la « huche », fabriquée, quant à elle, par des huchiers.
La plupart de ces artisans occupent une place sinon enviée, du moins respectée, car tout est relatif et il ne faut pas oublier qu’au XVIII e siècle, le maître d’hôtel d’un noble parisien est déjà un notable, comme le jardinier ou le concierge d’un grand propriétaire-châtelain, qui sait personnellement lire et écrire, n’a aucun mal à marier ses enfants à ceux des aubergistes, des marchands, voire à ceux des notaires.
Absents de nos campagnes jusqu’à la fin du XIX e siècle, bouchers et boulangers ne se rencontrent quasiment qu’en ville. Les premiers y sont longtemps restés groupés dans des rues qui leur étaient réservées, et qui étaient extrêmement sales, à cause du sang des bêtes qu’ils y tuaient – opération que l’on se contentait généralement d’interdire les dimanches et jours des fêtes religieuses.
Sous l’Ancien Régime, les bouchiers des grandes villes se répartissaient souvent par spécialité, entre chevrettiers y vendant exclusivement de la viande de chèvre, vesliers , limités à celle de veau… Les viandes étaient présentées sur des étals où les acheteurs devaient en principe les désigner en utilisant une baguette, que de très stricts règlements d’hygiène destinaient spécifiquement à cet usage.
Les boulangers étaient eux aussi installés dans les grandes villes, où ils occupaient, jusqu’au XIX e siècle, des positions assez en vue – sauf les brenassiers , fabriquant un vulgaire pain de son à l’intention des pauvres. Longtemps distincts des pastissiers et des confiseurs , ils étaient encore plus contrôlés que les bouchers, moins par souci d’hygiène que pour vérifier leurs instruments de mesure, les forcer à travailler avec certain moulin plutôt que d’autres et les obliger à apposer une marque particulière sur chacun de leurs pains, le plus souvent leurs initiales. Sans doute du fait du caractère sacré du pain, on ne plaisantait pas avec le règlement : le boulanger malhonnête risquait non seulement une amende, mais encore, au XVII e siècle, des coups de fouet en public.
On n’en finirait pas d’énumérer tous ceux qui jouissaient d’une parcelle d’influence, de pouvoir ou d’une aura de notabilité. Étaient ainsi influents, dans les villes et les bourgs, les riches marchands-tanneurs, les maîtres drapiers et même les cordonniers, de même que les tailleurs d’habits, alors itinérants, et donc assez proches des colporteurs.
Longtemps, le monde de nos ancêtres semble avoir été un monde essentiellement immobile, complexe et à l’organisation lourde. Des siècles durant, l’Ancien Régime n’avait rien supprimé ni réformé, empilant et superposant les règlements, les coutumes et les lois, les impôts et les taxes. En quelque cent cinquante ans, cet univers s’effondrera et disparaîtra à jamais, à la faveur du progrès technique et de l’exode rural. Le monde nouveau qui en sortira sera tout autre, et la grande différence sera la place qu’il offrira à chacun. Si dans le monde
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