Qui étaient nos ancêtres ?
traditionnel, structures et hiérarchies attribuaient à chaque individu une place précise qu’il avait du mal à quitter, le nouveau lui permettra en effet de mieux surfer sur les vagues de la société. Il lui offrira la mobilité.
II.
COMMENT VIVAIENT-ILS ?
Q UAND NOS ANCÊTRES VIVAIENT LOFT STORY
1
Sédentaires ou voyageurs ?
Après avoir retrouvé ses ancêtres, après les avoir identifiés par leurs noms et leurs dates de naissance et de décès, le généalogiste, dans les documents d’archives séculaires et poussiéreux qu’il va dépouiller, découvrira peu à peu leur vie et leur univers. Il va finalement réaliser le vieux rêve de l’homme et voyager à travers le temps, pour visiter le monde de ses aïeux ayant vécu sous la Restauration, à la fin du Moyen Âge ou sous le règne du Roi-Soleil. Ce faisant, il ira de surprise en surprise, car qui pourrait se transporter de la sorte dans le monde d’autrefois se retrouverait incontestablement plus dépaysé, en entrant chez ses ancêtres, que s’il avait pris un billet d’avion pour un club de vacances sur une île de l’océan Indien où s’il était parti faire du treking en Alaska. Le décor dans lequel il débarquerait lui serait complètement étranger, il n’y trouverait aucun repère ; il aurait vraiment l’impression d’avoir changé de planète.
L’horizon de nos ancêtres est extrêmement limité, et cela à un point qu’il nous est difficile d’appréhender, tant nous sommes habitués, par la télévision, le téléphone et aujourd’hui Internet, à vivre dans un décor internationalisé. Si nous sommes informés, heure par heure, des conséquences du passage d’un cyclone en Floride ou du déroulement d’une guerre en Indonésie, la quasi-totalité des habitants du royaume de France au XVII e siècle ont ignoré les guerres d’Espagne, comme ceux du XIV e siècle les événements qui ponctuaient ce que nous appelons la guerre de Cent Ans. Nul n’a été au courant de la défaite de Poitiers, où notre bon roi Jean a été fait prisonnier par les Anglais. Mieux : neuf habitants du royaume sur dix ignoraient le nom du souverain ; ils ne savaient même pas qu’ils étaient des Français !
Le roi, la France, étaient, en effet, à ces époques, des réalités aussi lointaines qu’abstraites. Nos ancêtres ne connaissaient guère que leur seigneur et leur curé. Ils n’avaient pour horizon que leur seigneurie et leur paroisse et cette situation s’est prolongée longtemps. Des siècles durant, plus du tiers des hommes et les trois quarts des femmes de nos campagnes n’ont jamais, un seul jour de leur vie, dépassé les limites de leur village. Du berceau à la tombe, les vies s’écoulaient à l’ombre du clocher… Personne ne songeait à en souffrir : on avait toujours vécu ainsi, au point d’ailleurs que l’« estranger », et de façon générale tout apport extérieur, de quelque nature qu’il soit, inspirait automatiquement crainte et défiance. Les villes passaient pour être des lieux de perdition, où nos ruraux manquaient de repères et ne se rendaient qu’avec une sorte de complexe d’infériorité. L’inconnu de passage était toujours soupçonné de pouvoirs maléfiques. Que le lait d’une vache tarisse et l’on se souvenait qu’un vagabond était passé la veille…
L’évolution sera lente. Ces pesanteurs n’en finiront pas de perdurer, tout comme les habitudes et les comportements qu’elles ont, des siècles durant, gravés dans les mentalités populaires. On a vu qu’après la vente des biens nationaux, le sol a, pendant tout le XIX e siècle, conservé toute son importance. La terre reste la référence économique et la valeur refuge. Les mariages à l’extérieur continuent d’être exceptionnels. L’influence des curés et des gros propriétaires garde toute sa force, aussi bien économique que sociale. On reste toujours plus à l’écoute des querelles de clocher que des événements qui se déroulent sur la scène nationale ou internationale. Mais nos ancêtres, tressaillant au moindre soubresaut de la vie du village, choisissant à tout instant un camp plutôt qu’un autre en fonction des réseaux de solidarités en place, n’avaient pas pour autant une vie morne et monotone. Pour étroit qu’il soit, leur univers ne manque ni de héros, ni de sujets passionnant les foules. Les frasques de leur sacristain ou du fils de leur propriétaire les occupent de la
Weitere Kostenlose Bücher