Qui étaient nos ancêtres ?
coffre, surtout lorsqu’on le veut bien ferré et muni d’une serrure, doit être fabriqué par un professionnel. La vaisselle, généralement de terre, est, comme on le verra, réduite à sa plus simple expression. Le coquetier est inconnu : l’œuf se gobe ; qui veut le déguster à la coque le tient, brûlant, à même la main ou parfois à travers une feuille de chêne ou de châtaignier.
Dans les maisons modestes, on trouvera longtemps peu de choses qui y soient arrivées par achat. Hormis, parfois, un peu de charbon de bois, la paire de sabots, une marmite et des cuillers, on n’y voit rien d’origine extérieure. Ce que l’on ne produit pas soi-même est absent des inventaires, ne serait-ce que parce que l’on n’en a aucunement l’utilité : à quoi pourrait bien servir du papier à qui est illettré, ou une bourse à qui n’a pas d’écus…
Les seuls articles dont on ne peut pas se passer sont en fait les outils de travail, ou du moins certains d’entre eux, car le paysan en fabrique les manches, comme il confectionne des râteaux complets, équipés de dents en bois. Ce qui manque correspond finalement à leurs parties métalliques, comme pour la pioche, la bêche, la houe, la fourche, et surtout la serpette et la faucille, la faux… Le paysan doit aussi se procurer à l’extérieur les instruments aratoires. S’il confectionne seul jougs et aiguillons, il lui faut acheter colliers et harnais, herse, charrette et surtout l’araire ou la charrue que beaucoup, justement, ne parviennent pas à payer et sont obligés de se partager. Voilà pourquoi les taillandiers, charrons, forgerons et maréchaux-ferrants, incontournables, occupent généralement des positions enviées.
Certes, les échoppes des villes regorgent d’articles qui ébahissent le rustique : chapeaux de feutre, savates de cuir, draps mieux foulés et mieux éclanchés (mieux débarrassés de leurs impuretés), vaisselle d’étain…, mais tout cela, comme les perruques, est réservé aux messieurs vivant bourgeoisement. Le villageois le sait et se laisse d’autant moins tenter qu’il ne lui est nullement nécessaire de se rendre en ville pour se procurer ce qui lui manque. Les artisans du chef-lieu de la paroisse produisent la plupart des articles en question et les autres sont directement apportés de la ville. Le marchand tanneur auquel on vend des peaux rapportera à son prochain passage la ceinture qu’il aura confectionnée à partir d’une de ces peaux. Enfin, on le sait, il y a le colporteur ! Le colporteur dont la hotte pleine à craquer est l’équivalent du catalogue de La Redoute et de la grande surface à domicile, d’une grande surface des raretés.
Que renfermait la hotte du colporteur ?
Véritable hypermarché en miniature, la balle du colporteur, aussi appelé marchandot, était une véritable caverne d’Ali Baba, dont le contenu ne cessa d’augmenter et de se diversifier au fil des siècles. Son poids pouvait atteindre cinquante à soixante kilos, les plus forts de ces hommes portant parfois jusqu’à cent kilos sur leur dos, avec à peu près tout ce qui pouvait se transporter à dos d’homme. On y trouvait ainsi :
– des articles de mercerie et des accessoires de couture ou d’habillement : dés, épingles, ciseaux, boîtes d’aiguilles de Turin, fil, pelotes de laine, bobinots de soie, rubans noirs pour les deuils ou de couleurs vives pour les fêtes, dentelles fines, galons, fils d’or et d’argent, draps enroulés en ballots, de la bonneterie, des bas d’homme et de femme, des peignes, des broches à tricoter, des ceintures, des foulards… ;
– des ustensiles de cuisine ou de ménage : quincaillerie, boissellerie, blanc d’Espagne, cire, cierges, chandelles… ;
– des denrées alimentaires : sucre, (toujours en pain), sel (parfois de contrebande), épices (poivre, clous de girofle, noix de muscade, gingembre, cannelle, safran…), mais aussi de l’indigo et des plantes tinctoriales ;
– des articles religieux : images pieuses, chapelets de bois, de buis ou d’os, de cristal pour les riches ou lustrés de noir pour les vieux, petits livres d’heures… ;
– des drogues et médecines en tout genre : feuilles d’arnica, eau de fleur d’oranger, « baumes cordiaux », sirop d’escargot…
Chacun y trouvait son bonheur : les vieux, des lunettes ; les filles, des miroirs et des flacons de garance, sans oublier les bijoux de verroterie enfouis
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