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Qui étaient nos ancêtres ?

Qui étaient nos ancêtres ?

Titel: Qui étaient nos ancêtres ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Louis Beaucarnot
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hommes et les femmes se répartissant entre la gauche et la droite du chœur ou le haut et le bas de la nef) on verra que, même pour les morts, on essaiera toujours d’obtenir la meilleure place.
    Déroger à cet ordre est extrêmement mal vu. Chacun a sa place et personne ne doit en changer sans en avoir acquis le droit. Chacun a sa place, et personne ne doit la lui contester. Nos ancêtres sont volontiers rancuniers, au moins autant qu’ils sont solidaires. La vendetta n’est pas propre à la Corse et les conflits de famille sourdent et explosent partout et en tous milieux. On en prendra pour témoin, le village de Ribennes, en Gévaudan, où les solidarités et les dépendances sont extrêmement fortes entre les oustals apparentés. Dans le petit hameau de Chassagnes, peuplé d’une dizaine de feux, la haine est héréditaire entre les deux lignées des Belame et des Tranchant. Aussi loin que l’on remonte dans les archives, les curés n’ont jamais béni un seul mariage entre elles. Partout, une histoire d’héritage, de projet de mariage rompu, de dot non versée, de mouton vendu à Paul plutôt qu’à Jacques suffit à déclencher une haine durable, pour peu que l’honneur et la fierté soit en jeu et que le « qu’en dira-t-on » – ou la disette , comme on dit en Berry – vienne à s’en mêler.
    La force du secret de famille
     
    Le secret de famille procédait directement des mentalités générées par cette vie constamment publique.
    Il est généralement repérable par des incohérences dans la mémoire et la tradition familiales, du fait qu’il a été volontairement élaboré et « construit » pour se protéger, pour protéger une personne ou une famille du scandale que n’aurait pas manqué de provoquer la révélation d’une situation jugée dévalorisante et que la morale, ou du moins le « qu’en dira-t-on », aurait réprouvée ou blâmée. Pour éviter cette honte publique, certains membres de la famille avaient mis au point un dispositif défensif et préventif, destiné à en entraver la diffusion, soit en brûlant des documents, en racontant une fausse histoire ou encore en trichant sur des dates… De ce fait, le « secret de famille » obéissait à certaines règles et suivait invariablement certains scénarios.
    Mais attention : il y avait secret et secret. Les mythes et légendes familiaux (comme particules et noblesse perdues, parchemins disparus, mystérieux visiteurs en carrosses…) procèdent d’autres scénarios, plus naïfs et différents, en ce qu’ils ne sont pas là pour protéger une personne ou faire taire une rumeur, mais pour valoriser quelqu’un et accréditer une hypothèse. Ils ne sauraient donc entrer dans cette catégorie et être assimilés aux vrais « secrets de famille », qui sont en fait peu variés :
    – beaucoup étaient liés à la filiation : enfants adoptés, abandonnés, naturels ou adultérins ;
    – d’autres étaient liés au mariage (concubinage, divorce, « mésalliances »…, autant de situations autrefois lourdement sanctionnées) ;
    – certains masquaient des situations jugées dévalorisantes (origines étrangères, comportements immoraux, alcoolisme, maladies dites « honteuses »…) ;
    – les derniers, enfin, étaient attachés à des comportements condamnables (tel membre de la famille envoyé aux fers ou au bagne…).
    Ces secrets, s’ils sont repérables, restent en général difficiles à percer, car seules certaines personnes – en général celles qui les ont mis en place, et qui, souvent, ne sont plus là – en possèdent les clés. Jamais, en tous les cas, les intéressés, ceux que le secret a justement voulu protéger, comme, par exemple, l’enfant adopté lui-même, ne seront en position de les démontrer.
    En 1762, Jean Germain, maître chirurgien à Yvré, dans le Maine, n’hésite pas à poursuivre en diffamation le laboureur Louis Bougard et sa femme. Cette dernière, suite à une chute de cheval qui l’avait blessée à l’épaule et considérablement incommodée, avait consulté Germain qui l’avait saignée au pied. Mais cette saignée n’apportant pas les fruits escomptés, on était allé voir un autre chirurgien, qui s’était gaussé de son confrère. La nouvelle s’était répandue et ce dernier, s’estimant blessé dans son honneur, « demande forçablement une réparation d’honneur, qu’il requiert être lue et publiée soit à l’issue de la

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