Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Qui étaient nos ancêtres ?

Qui étaient nos ancêtres ?

Titel: Qui étaient nos ancêtres ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Louis Beaucarnot
Vom Netzwerk:
irréparable rejoint ses semblables au grenier, même si celui-ci est déjà plein à craquer. Les emballages s’entassent à la cave, comme les premières bouteilles d’eau minérale, qui ont encore valeur de trésors dans certains pays sous-développés. Au fil de sa vie, une de mes arrière-grand-mères avait réussi à remplir une malle de ce « papier d’argent », ancêtre de notre rouleau d’aluminium, qui emballait les tablettes de chocolat et diverses autres denrées. Dans les années 70 encore, mon grand-père, maire d’une petite commune rurale sans revenus, faisait retourner par sa secrétaire les grandes enveloppes dans lesquelles arrivaient les courriers de la préfecture, afin de pouvoir les réutiliser.
    On jette d’autant moins que rien, en effet, n’est jamais complètement usé. Les meubles, qui accompagnent les familles sur plusieurs générations, y sont rarement signalés en bon état : on parle d’une « mauvaise » chaise, d’un « méchant » lit, adjectifs à prendre au sens de « misérables », et le coffre de bois, fabriqué cent ou cent cinquante ans plus tôt, a sa serrure défectueuse. Mais qu’importe : tout est solide, massif et résistant. Tout doit s’user « jusqu’à la corde », même s’il y faut beaucoup de temps – et c’est tant mieux ! Les paires de drap de grosse toile, qui durent eux aussi plus qu’une vie, s’empilent dans les coffres puis les armoires, et ce d’autant plus qu’ils sont rarement lavés.
    Cette résistance des produits fabriqués contribue à amortir les rares investissements. On aura remarqué que les grandes occasions de dépense sont rares. Nos ancêtres ignorent le crédit et n’ont ni maison personnelle à faire construire, ni cuisine à équiper. Tout au plus les parents, lors des mariages de leurs enfants, fournissent-ils non seulement un troussel complet de linge (notre trousseau), mais encore des draps et de la literie, constituant ce que l’on nomme en Savoie le fardel , à quoi l’on ajoute fréquemment des meubles (coffre et parfois lit) ou de la vaisselle… Le fiancé, plus rarement, offre quelques « joyaux ». Le mariage est un des rares temps de dépense, mais de dépense heureusement amortie, puisque tous ces objets survivront largement au ménage.
    En forêt, comme les cochons se battent pour les glands, les hommes et les femmes se disputent une brassée de bois mort, qu’ils ramassent d’ailleurs souvent de façon frauduleuse. Même les feuilles mortes sont utilisées, pour compléter la paille chichement comptée dans la paillasse, et combien de procès ont été intentés quant à la propriété d’un châtaignier, que l’on nomme en Quercy l’arbre à pain, parce que ce sont ses fruits qui fournissent la farine. Les plus modestes vendent les plumes de leurs oies et de leurs poulets, dont on bourrera les paillasses des riches, et, en remplissant les leurs de barbes de maïs ou parfois de chardons, arriveront à économiser la modique somme qui leur permettra de s’offrir une paire de sabots… Lorsque l’on voit la valeur attribuée, en Bretagne, à une simple galettière dans un inventaire paysan, que penser du baromètre aperçu chez le curé de Nitry, de l’horloge du bourgeois, ou du miroir trouvé, en 1751, dans la chambre de la meunière de Pont-de-Pierre, en région parisienne ?
    La moindre pacotille ayant une valeur marchande peut à tout instant mener au procès. En 1768, à Foulletourte, dans le Maine, le meunier Étienne Landais y échappe de peu, lorsque, à la suite de la rupture de ses fiançailles avec la servante Scolastique David, il entend se faire rembourser sa part des six sols versés pour la publication des bans, les frais engagés pour le repas de fiançailles et l’achat de la bague d’argent et du mouchoir de col d’indienne dont il a fait présent à son « ex ». Un autre mouchoir de col, déchiré lors d’un charivari, sera en Charente, à l’origine d’un procès.
    Le moindre objet devient vite un enjeu financier. Dans le Morvan, sous la Restauration, les Desplaces et les Defosse vont en justice à propos d’une cueillette de châtaignes. Ne se battra-t-on pas encore, en ville, au début du XX e siècle, pour ramasser le crottin laissé par les chevaux de passage et dont on enfume les jardins ? Car le fumier est cher et les paysans ne feraient jamais cadeau d’un pot de fiente. En 1850, à Origny-le-Butin, dans la Sarthe, le cultivateur Louis

Weitere Kostenlose Bücher