Qui étaient nos ancêtres ?
première grand’messe… à la porte » de trois églises, celles de sa propre paroisse, de celle de ses clients et de son confrère, afin qu’il soit publiquement connu « qu’il le reconnaît digne de son état ».
Respectueux de l’ordre, mais fiers, susceptibles et volontiers solidaires, tels étaient nos ancêtres, dans ce monde où l’argent ne payait pas toujours tout.
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Autarcie et bas de laine
Une des plus grandes différences entre la société de nos ancêtres et la nôtre est qu’elle n’est pas une société de consommation. Cette différence est fondamentale. Par ce seul aspect, le monde de nos ancêtres et le nôtre apparaissent diamétralement opposés et nos aïeux vont à nouveau nous surprendre par mille comportements. Ainsi, aussi inimaginable que cela puisse nous paraître, ils n’achètent presque jamais rien et jettent moins souvent encore. Ils vivent en autarcie. Non seulement l’argent est rare, mais il ne circule pratiquement pas. Les maigres pièces sont serrées dans des bas de laine et n’en sortent pas facilement…
Quand on allait en justice pour une brouette
de crottin et que tout se vendait à prix d’or
Si, des siècles durant, nos ancêtres ont pu vivre dans leurs fermes et ne jamais quitter leur village, c’est d’abord parce qu’ils n’ont rien à aller chercher ailleurs. Tout ce dont ils ont besoin est soit produit, soit apporté sur place.
Les produits nécessaires à leur alimentation sont cultivés dans les cortils, les jardins, les ouches et les champs. La viande, le poisson sont également là, dans les basses-cours et les viviers, même si l’on n’a guère l’habitude ou les moyens d’en abuser, et même si les poules sont moins nombreuses qu’on ne l’imagine, car elles coûtent trop cher en grain.
Le pain se cuit au four banal. L’huile est extraite des noix. Le vin, plus ou moins bon, est fourni par la vigne, omniprésente, au point qu’en Charolais une commune se nomme Sanvignes parce que sa terre est la seule de la contrée à ne pas la tolérer.
Que manque-t-il ? Les harengs saurs consommés en temps de Carême, mais qui sont surtout le privilège des riches ? Le sel, or blanc des temps anciens ? Nos ancêtres consomment le sel gemme plutôt que sel marin, extrait du sous-sol par les saulniers , sel à la fois rare, cher, jalousement conservé, minutieusement débité dans les « greniers à sel » et qui est surtout très lourdement taxé par la gabelle. Leur provision, lorsqu’ils en ont, est surtout employée à faire la saumure , qui conservera le cochon découpé dans le saloir , à faire les saucisses ou les sauces , par définition salées, et assez exceptionnellement à en saulpoudrer chichement les aliments (autrement dit à les poudrer de sel). Certes, il leur manque le sucre, débité du pain de sucre et que l’on a vu vendu au poids par l’ espicier avec les espices venues d’Orient… L’eau, elle-même, est d’autant plus précieuse qu’elle est rare ; eau que l’on va, tout au long du jour, puiser à la source ou au puits ou chercher à la fontaine, et qui n’aurait, le plus souvent sans doute, pas été reconnue potable par nos modernes laboratoires…
Pour les vêtements, la laine des moutons, le chanvre de la chènevière, le lin suffisent à fournir les matières premières que filent les femmes et tissent les hommes. Ajoutons à cela les peaux d’animaux permettant aux pelliers de confectionner des pelissons d’hiver, et la plume dont les plumas-sières bourrent les cuissins.
Les forêts, denses et nombreuses, constituent d’énormes réserve de bois, matière première essentielle, dans laquelle les sabotiers taillent sabots et galoches, et de laquelle on tire aussi bien les poutres des maisons, les ridelles et les rayons des roues des chars et des charrettes, les douelles des tonneaux, que tous les meubles qui sont, eux aussi, fabriqués sur place, soit par le menuisier du village, soit directement et grossièrement à la maison. Comme le paysan, en hiver, assemble des barreaux de bois pour réaliser des barrières et des échelles, beaucoup parviennent à confectionner eux-mêmes tabourets ou trépieds, bancs et bancels, châlits ou bois de couchettes plus sommaires encore, ou jusqu’à ces tables coulantes, nom que l’on donne dans certaines régions au plateau que l’on dresse sur les tréteaux.
Rares sont donc les denrées qui doivent être cherchées à l’extérieur. Le fameux
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