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Qui étaient nos ancêtres ?

Qui étaient nos ancêtres ?

Titel: Qui étaient nos ancêtres ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Louis Beaucarnot
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dans la sciure de bois ; les hommes des outils (marteaux, clous…) ; le curé et le châtelain, « plumes-à-écrire », papier et cire à cacheter…
    Au XIX e siècle s’y ajoutèrent aussi bien de l’eau miraculeuse de Lourdes que, pour les gars, des décorations de conscrits.
    Tout était là ; de quoi faire rêver et… faire acheter : la balle une fois ouverte, devant les yeux écarquillés du groupe, toutes générations confondues, il suffisait de choisir. C’était le catalogue de La Redoute à domicile, sans même devoir attendre les « 48 heures/chrono » !
    Car tout ce qui n’est pas produit sur place est rare. Rare et, le plus souvent, très cher. Une simple pipe, vers 1837, représente un bon mois de travail du sabotier Louis-François Pinagot, travaillant dans la Sarthe, en forêt de Bellème.
    Prenons le cas du papier. Au début du siècle dernier, la fille « perdue » venue de sa campagne pour abandonner en ville son enfant, lorsqu’elle attache parfois à ses langes un billet de papier sur lequel elle a griffonné quelque souhait ou recommandation, accomplit là un véritable exploit. Comment et auprès de qui, en effet, a-t-elle pu se procurer ces quelques centimètres carrés de papier qui nous semblent aujourd’hui si commun et qui est pourtant une denrée complètement étrangère à son milieu ? À la ferme où son père et ses frères sont illettrés, personne n’a jamais vu ni plume ni papier. Au prix de quel effort, voire de quelle somme, a-t-elle réussi à obtenir ce petit morceau, qui a dû passer à ses yeux pour un trésor ? À la porte de quelle personne lettrée est-elle allée frapper ? Chez le curé, qui pourtant, comme l’huissier, l’avocat et tant d’autres, l’économise au maximum, à l’image du notaire rédigeant ses minutes d’une écriture « menue » et usant autant qu’il le peut d’abréviations. Le curé, dans ses registres paroissiaux, enchaîne les actes de baptême à ceux de mariage ou de sépulture, sans sauter la moindre ligne, afin d’en gagner quelques-unes chaque mois et quelques feuilles en fin d’année. Longtemps, d’ailleurs, nos arrière-grands-parents, lorsque leur lettre ne tenait pas sur la feuille qu’ils utilisaient, la terminaient en écrivant dans les marges…
    Par sa rareté, le moindre objet prend une valeur considérable, comme le révèlent les nombreux inventaires dressés par les notaires, qui prennent toujours soin de tout noter scrupuleusement, quitte à nous livrer d’impressionnantes images de capharnaüm. Ainsi, en 1809, dans le Maine, le notaire impérial Vincent Dagoreau, venu de Pontvallain, entrant dans la cuisine du château de feu Dame Louise Agathe d’Arlanges, ne fait grâce d’aucun détail, inventoriant de page en page « un passe-bouillon en fer-blanc et cuivre, trois couvercles de casserole en fer-blanc, une barrique dans laquelle il y a du vinaigre » (contenu qui la fera priser davantage) ; dans le garde-manger attenant, « deux petits pots remplis de beurre et quatre autres remplis de graisse de porc et de rille ». On sent bien que le moulin à café en fer, signalé à la cuisine est un objet précieux, tout comme ces trésors renfermés dans l’armoire de la chambre même de la défunte dame que sont ces « deux boîtes garnies l’une de café en graines et l’autre de vermichel », boîtes resserrées là à côté d’un pain de sucre. Le moindre réchaud, la moindre crémaillère, tout comme une coiffe ou un tablier, une fourche ou une serpette, fait très vite grimper le montant des inventaires, et cela d’autant plus que, dans ce monde, rien ne s’use jamais. Voilà pourquoi, dans un tel inventaire, tout, absolument tout doit être prisé, car rien, on le sait, ne sera jamais jeté.
    Ordures, décharges, recyclage sont des mots et des notions complètement vides de sens à la campagne comme à la ville. S’il fallut attendre 1884 pour que le préfet Poubelle impose aux Parisiens l’usage du récipient qui a gardé son nom, c’est bien parce qu’auparavant personne n’a rien eu à y mettre. Tout est conservé : le moindre bout de tissu peut servir. Ne le vend-on pas aux chiffonniers qui le revendront aux maîtres papetiers ? Le moindre clou rouillé, la moindre latte de bois : tout est récupéré, stocké, conservé. Les produits venus de l’extérieur sont plus encore considérés comme des trésors et le resteront longtemps.
    La paire de chaussures

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