Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Qui étaient nos ancêtres ?

Qui étaient nos ancêtres ?

Titel: Qui étaient nos ancêtres ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Louis Beaucarnot
Vom Netzwerk:
Doguet menace de poursuivre en justice le journalier Trouillard pour une « civière de crottin ».
    Tout se vend, car tout est censé pouvoir, un jour, offrir au bricoleur la pièce dont il aura besoin, au paysan le récipient destiné à recevoir le grain de la poule couveuse, ou à l’acheteur un objet à troquer contre ce qu’il convoite.
    Tout se vend : du lait de la nourrice à l’écorce des arbres, achetée par les tanneurs. Tout s’estime : du simple mouchoir de col à une bouteille de cidre ou à un bouquet d’échalotes. Le mourant n’hésite pas à donner pour tout legs à son neveu préféré « une auge en pierre ». Tout devient un enjeu économique : les paires de draps sont mises aux enchères et on voit encore, au milieu du XVI e siècle, les consuls de Gallargues « affermer » les cendres du four communal, tout comme ils procèdent, en 1542, à l’adjudication de l’herbe du cimetière. Car le cimetière lui-même peut être source de profits. En 1864, le curé de Coulaures, en Dordogne, poursuit son maire en justice pour en avoir fait arracher nuitamment les noyers, comme, quatre ans plus tard, à Saint-Germain-sur-Moine, en Anjou, on se disputera pour la vente d’un simple carré de trèfle. Ce qui, dans tout cela, frappe le plus l’homme du XXI e siècle est sans doute le fait que la valeur de beaucoup de choses lui semble sans commune mesure avec celle que ces mêmes objets ont aujourd’hui.
    Quand on avait « maille à partir » :
l’argent était rare
    Mais l’argent ne circule quasiment pas dans cet univers clos. On se souvient du sire de Gouberville débarquant à l’auberge et y ouvrant non sa bourse, mais son sac de lard. Le troc, signalé à propos du commerce du tanneur, règne à tous niveaux, au point que l’on use de mille stratagèmes pour éviter le versement des dots en espèce. Le mariage idéal consiste à marier simultanément ou successivement un fils et une fille d’une maison avec une fille et un fils d’une autre… Voilà pourquoi, en dehors de ces cas, on préfère convenir de dots en nature, versées notamment en boisseaux de blé, de seigle ou d’orge. Ne voit-on pas, en 1678, dans un hameau des Houches, en Savoie, le paysan savoyard Monet Desalioud léguer « un quart de bled » à chacune des confréries religieuses de la ville voisine de Chamonix ? Un quart de blé, soit, en Savoie, environ quatre-vingts litres de blé !
    La fortune, c’est la terre, seule valeur sûre, vers laquelle se précipite toute personne qui s’enrichit, et dont le premier réflexe est d’en acquérir, de préférence dans son lieu d’origine, où la propriété ajoutera à son aura. La terre, avec ce qui s’y rattache, constitue la base de la fortune. Des mois durant, dans le journal quotidien qu’il rédige, le notaire des Baronnies Jacques Veux ne cesse de commenter l’engraissement de son cochon. Le 23 décembre 1742, il jubile : « Notre couchon a 4 pans 1/2 d’auteur, 6 pans 1/2 depesseur et 7 pans 1/4 depuis les oreilles jusqu’au cul. » Le 28 décembre, « la lune nouvelle n’ayant que deux jours », un voisin vient le tuer et notre homme, satisfait, de faire l’inventaire complet des morceaux : 155 livres de lard, 31 de graisses, 64 de jambon, etc. Tout urbanisé et lettré qu’il soit, Maître Veux, qui toute la journée rédige des contrats où tout est indexé sur la terre et les produits agricoles, conserve les références traditionnelles.
    Le « CAC 40 » de nos aïeux
     
    Dans le monde de nos ancêtres, on revenait toujours à la terre, seule valeur sûre et référence universelle. Les mesures de surface reposaient sur la parcelle de terre que pouvait cultiver, labourer ou ensemencer un homme ou un animal. Le journal, qui correspondait à ce qu’un homme pouvait labourer en une journée, variait donc forcément selon les lieux puisqu’en fonction de la nature du sol (lourd ou sablonneux, abrupt ou plat…), des instruments de travail (araire ou charrue) et des attelages que ces différents sols exigeaient ou permettaient (bœufs, chevaux, mulets…), le rendement journalier était bien différent.
    On parlait de même d ’ouvrée (c’est-à-dire « d’œuvre »), de charrue, d’hommée (travail d’un homme), de charrée (terre donnant le rendement d’un char de foin ou de paille), de canton (un « coin »), de boisselée, de huitelée, de perche, de soiture, d’arpent… Voilà évidemment pourquoi

Weitere Kostenlose Bücher