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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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ne
    disposent plus du moindre centilitre d’essence, et leur parc automobile leur
    est donc d’une désespérante inutilité.
    Dans la matinée du 20
    septembre, le sergent Roux fait siphonner par trois prisonniers tous les
    réservoirs des véhicules. Il récupère onze litres qu’il verse dans une vieille
    traction avant – ça devrait suffire pour la mission prévue, une expédition au
    nord de la Loire, à Beaufort-en-Vallée, agglomération près de laquelle s’est
    installé un important camp américain. Les Américains, ils le savent tous, possèdent
    de l’essence à ne savoir qu’en faire.
    Le première classe Noël
    qui parle couramment l’anglais prend place auprès du sergent Roux. Derrière s’installent
    les parachutistes René Platel et André Laborde.
    Ils traversent la Loire
    à Saumur, s’arrêtent dans un bistrot à Longué. Après s’être désaltérés, ils
    sont sur le point de repartir lorsqu’arrive un quatuor de sous-officiers américains
    qui arborent sur leurs chemises les insignes de la division Patton. Très vite
    les relations se nouent autour d’une bouteille de vin qui se vide.
    Noël s’exprime avec
    autant de facilité en anglais qu’en français. C’est lui qui ouvre la voie des
    transactions :
    « Dites, les gars, on
    a le coffre de la bagnole bourré d’armes boches, des Parabellums, des P. 38, des
    mitraillettes Sturm Gewehr. Ça vous ferait de foutus souvenirs. Par contre, on
    manque d’essence. Vous pensez pas qu’on pourrait s’arranger ? »
    Les Américains sont
    intéressés. Ils demandent à voir. L’affaire se conclut pour deux cents litres. L’un
    des sous-officiers part seul dans une jeep, revient une petite demi-heure plus
    tard à bord d’un Dodge six roues, ac-compagné d’un lieutenant, un colosse
    rouquin, criblé de taches de son. L’officier est mal rasé, sale ; de
    larges plaques de transpiration imprègnent sa chemise sous ses aisselles, répandent
    une odeur rance qui se mêle à celle de l’énorme cigare qu’il mâche. Il a vers
    le Français un regard indifférent et un vague signe de tête. Par contre, à la
    vue des armes allemandes, sa physionomie s’éclaire. Il ramasse tout soigneusement,
    ordonne à ses sous-officiers d’entasser dix jerricans sur la galerie et dans le
    coffre de la traction. Puis il pénètre dans le bistrot en grinçant à travers
    son cigare :
    « Amenez-vous, on
    va boire un coup. » L’Américain entre dans le vif du sujet sans préambule.
    « Vous en avez d’autres ?
    — On peut en avoir,
    tout se tient, explique Noël. Si nous avons de l’essence, on pourrait tendre
    des embuscades sur les points de passage des Allemands.
    — Vous êtes vernis,
    les gars ! Nous, nous n’avons pas droit de passer la Loire sous peine de
    conseil de guerre. Et les Allemands, quand ils tombent dans un piège, ils
    ripostent dur ?
    — Plus maintenant. La
    plupart du temps ils se rendent. C’est même ça le problème, les prisonniers on
    sait pas quoi en foutre !
    — J’achète, lance
    le lieutenant américain en frappant la table.
    — Quoi ?
    — Les prisonniers. Je
    les achète contre de l’essence.
    — Je ne comprends
    vraiment pas. Vous voulez acheter des hommes ? Mais pour quoi faire ?
    — Pour les vendre. J’ai
    preneur.
    — Décidément, dans
    cette guerre on aura tout vu. Et qui se porte acquéreur ? »
    L’Américain rigole. Un
    rire de ventre qui lui permet de conserver son cigare, griffé entre les
    tenailles jaunâtres formées par ses dents.
    « Quand nous sommes
    arrivés, on a coincé un capitaine et six Boches. C’est tout ce qui restait dans
    la région. J’ai fait comme vous, j’ai cherché à m’en débarrasser. J’ai été trouver
    un colonel qui en a pris deux, ensuite deux commandants et un capitaine se sont
    partagé le reste. Ils en ont fait des larbins de rêve. Et j’ai appris que le
    capitaine avait cédé un des siens à un de ses amis pour cent cinquante dollars.
    Alors j’ai été râler, il m’en a refilé soixante-quinze, et le marché s’est
    trouvé ouvert. Sans compter que les acquéreurs prétendent avoir fait eux-mêmes
    les Boches aux pattes, et se proposent pour des citations. Alors, si vous voulez,
    on peut parler fric.
    — De l’argent, nous
    en avons. Ce qui nous intéresse c’est l’essence.
    — Encore mieux. Combien
    demanderiez-vous par tête ?
    — Ça dépend du
    grade », interrompt brusquement le sergent-chef Roux.
    Les trois

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