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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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soit correcte, commissaire, et que l’assassin se cache derrière le colonel, il y a peu de chances que Stumm von Bordwehr continue de perpétrer ses crimes. Cela démontrerait l’innocence de Sorelli.
    — Le départ de Julien pour Trieste demeure une simple supposition.
    — Qu’est-ce que cela veut dire encore ?
    — Le colonel pourrait continuer de sévir et prétendre que Julien Sorelli n’a pas quitté Venise.
    Cet argument n’impressionna guère le commandant dont les pensées s’étaient déjà envolées vers d’autres horizons. Il ferma le rapport de Bossi d’un geste énergique et le poussa sur le côté. Ainsi, il ne restait plus sous ses yeux que la boîte de friandises de chez Demel et le portrait de Mlle Violetta auquel il jeta un coup d’œil.
    — Quand bien même vous auriez raison, ce crime relèverait de la police militaire.
    Il piocha une praline et ôta le papier.
    — Nous nous voyons bien demain soir, n’est-ce pas ?
    — Comment ?
    Spaur adressa à son subalterne un regard indulgent.
    — Au bal masqué ! La baronne ne parle plus que de cela depuis deux jours.
    Ah oui, exact ! Le bal masqué de sa mère. Tron avait du mal à passer aussi vite d’un sujet à l’autre.
    — Je compte en effet être présent. Il doit bien y avoir moyen de réduire la taille de ce bandage.
    Du moins l’espérait-il. Sinon, il serait obligé de jouer le héros chez sa mère, ce qui n’était peut-être pas une si mauvaise idée, après tout. Spaur se rinça la bouche avec une gorgée de café. Puis il demanda :
    — On retire les masques à minuit ? Comme d’habitude ?
    Tron acquiesça.
    — Comme d’habitude.
    Le commandant afficha un sourire empli de fierté.
    — Je doute que vous me reconnaissiez. Je vais me déguiser en…
    Ayant remarqué à temps que son incognito souffrirait d’être dévoilé à l’avance, il s’interrompit et toussota.
    — Aurons-nous aussi le plaisir de rencontrer le comte de Chambord chez madame votre mère ?
    Mlle Violetta allait certainement lui poser la question dans l’après-midi. Tron haussa les épaules.
    — Le comte a confirmé. Je ne vois pas pour quelle raison il reviendrait sur sa décision, d’autant qu’il a tout intérêt à se comporter de manière normale.
    Spaur acquiesça.
    — Exactement comme la Kommandantur !
    Il fixa son vis-à-vis.
    — Vous êtes au courant, je suppose ?
    Tron fronça les sourcils.
    — De quoi ?
    — L’épouse de Toggenburg est alitée, expliqua Spaur. Par conséquent, le commandant de place se fera accompagner par un de ses officiers.
    Il se cala dans son fauteuil en ricanant.
    — Vous aurez ainsi le plaisir de recevoir au palais Tron le colonel Stumm von Bordwehr.
    — Cela pourrait-il signifier, demanda le commissaire dès qu’il eut digéré la nouvelle, que la Kommandantur a décidé d’enterrer la hache de guerre ?
    Son supérieur approuva.
    — Je vois les choses comme vous, commissaire.
    Le commandant de police s’empara du rapport de Bossi de manière ostensible et le jeta sur un tas d’autres dossiers, probablement jamais lus, posés sur la desserte à côté de son bureau. Autrement dit, affaire classée . Ensuite, il but une nouvelle gorgée de café et, pour terminer, hocha la tête d’un air royal, signe que l’audience était terminée.
    Tron se leva pendant que Spaur ouvrait un tiroir et en sortait sans la moindre gêne une bouteille de cognac pour améliorer son café. Une fois dans le couloir, il constata qu’il avait toujours dans les narines le parfum de son chef, un mélange d’ambre et de violette, sûrement un cadeau de la baronne.

52
    Il aborda la place Saint-Marc par l’ouest, et traversa l’aile Napoléon. C’était un homme de taille moyenne, sans signe particulier, vêtu d’une pèlerine noire. La bautta qui lui cachait le visage laissait entendre qu’il voulait s’amuser, voire qu’il recherchait une aventure galante. En ce début de soirée, la place était noire de monde. La plupart des gens portaient des masques, des loups ou des dominos ; les femmes avaient mis une perruque et les hommes un tricorne, en plus de l’indispensable épée passée à la ceinture.
    Une vendeuse d’éventails s’approcha de lui, suivie d’un homme vêtu de noir qui ouvrit son manteau pour lui dévoiler une demi-douzaine de clichés obscènes épinglés à sa doublure. Il les chassa tous les deux d’un geste de la main et passa devant des vendeurs de

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