Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
Vom Netzwerk:
couperet leur tranche la tête ? Ce qui le surprit encore plus, ce furent les ronflements provenant de l’intérieur. Peut-être s’était-il trompé. Non, il n’y avait pas d’erreur. En collant l’oreille à la serrure, il entendit distinctement quelqu’un qui ronflait. Vu les circonstances, il ne pouvait s’agir que de la jeune femme. Ignaz Zuckerkandl réprima un éclat de rire hystérique. Il inspira profondément, toussota, puis frappa.
    Bien entendu, la jeune femme ne se réveilla pas tout de suite. Quelqu’un qui ronfle aussi fort ne se réveille pas sur-le-champ. Il fallut qu’il tape trois fois pour que le ronflement cesse. Enfin, des pas s’approchèrent – les pas lourds d’une femme à peine sortie d’un sommeil profond. Il se redressa. Quand la porte s’ouvrit, il mit quelques secondes à comprendre ce que ses yeux voyaient.
    Un homme se tenait en face de lui, si bien qu’on aurait dit son reflet dans le miroir. Il portait lui aussi un loup noir et une redingote marron foncé. À vrai dire, cette situation extrêmement gênante ne semblait pas du tout le déranger. Il fit un pas en arrière pour le laisser passer et dit avec un regard en coin en direction du lit :
    — Notre amie dort. Je vous suggère de la laisser se reposer encore un peu.
    Il referma la porte derrière lui et Zuckerkandl l’entendit s’éloigner en hâte.
    Comment dit-on déjà ? Enfin seuls ! Il poussa un soupir, s’avança au centre de la pièce et la balaya du regard. Des rideaux dans les tons rouges encadraient deux fenêtres, une robe recouvrait le dossier d’un fauteuil en tissu vert. Un chandelier brûlait sur chacune des deux tables de chevet. Une copie de la Vénus d’Urbin était accrochée au-dessus du vaste lit, sans doute pour donner du cœur à l’ouvrage aux clients fatigués. Une odeur de musc et de tabac froid flottait dans l’air.
    La femme était cachée par le couvre-lit. On ne voyait presque rien en dehors de ses cheveux blonds. Seule sa main gauche avait glissé, ses doigts pendaient mollement dans le vide. Soudain, elle lui fit l’effet d’une enfant épuisée d’avoir veillé trop tard. Il consulta sa montre. Il lui accorderait encore dix minutes. Ensuite, il la réveillerait. Ils commenceraient par parler affaires. Puis ils passeraient à l’action .
    Elle ne s’était pas remise à ronfler. Son souffle était au contraire presque imperceptible. Même le jeté de lit vibrait à peine. Zuckerkandl ôta sa redingote, retira son loup et posa les deux sur le fauteuil devant l’une des fenêtres. Quand il s’avança vers le pied du lit, il sentit une gêne en dessous de la ceinture. Étonné, il constata qu’il avait hâte de passer à l’action .

21
    Ce fut la femme de chambre de la pension Seguso qui découvrit le corps le lendemain matin. Elle était nouvelle et on avait oublié de lui dire qu’elle ne devait nettoyer la chambre 27, au premier étage, que sur demande expresse. Peu avant onze heures, elle frappa donc discrètement à la porte, attendit un moment, puis frappa une seconde fois. Comme personne ne répondait, elle appuya sur la poignée et entra.
    D’abord, elle supposa que la cliente dormait encore et voulut rebrousser chemin. Un détail cependant l’arrêta. L’air ne sentait pas simplement la nuit et le renfermé, il se dégageait aussi quelque chose qui ne lui plaisait pas. Elle appela « Madame ? » d’une voix timide, et comme personne ne répondait, elle s’approcha du lit. Seuls les cheveux blonds et une partie du visage étaient visibles. Néanmoins, cela suffisait pour constater que la dormeuse ne respirait plus.
    La femme de chambre quitta la pièce pour aller prévenir M. Bon, le propriétaire de la pension. Elle était un peu troublée par sa découverte, mais pas vraiment choquée. Il faut dire qu’elle n’avait pas soulevé le couvre-lit ni ouvert le tiroir de la table de chevet. M. Bon, en revanche, poussa plus loin son investigation. Ce qu’il aperçut l’incita à fermer aussitôt la porte à clé et à envoyer son domestique prévenir le poste de police sur la place Saint-Marc. On alla chercher Tron au café Florian et Bossi dans son laboratoire sous les toits du commissariat central. Il leur fallut vingt minutes pour arriver à la pension où ils se doutaient de ce qui les attendait.
     
    Deux heures plus tard, la procédure habituelle était close. Bossi, le visage verdâtre, avait photographié le lieu du crime, le tiroir

Weitere Kostenlose Bücher