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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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tête.
    — Non, il est resté muet comme une carpe. Il a juste dit que nous n’étions pas au bout de nos surprises.
    — Cela ne vous a pas donné à réfléchir ?
    — Pourquoi aurions-nous dû ? Tout l’accusait : le loup noir, l’accent étranger, le rasoir, le précédent avec la prostituée.
    — Et, bien sûr, l’idée d’examiner la prétendue pièce à conviction n’a effleuré l’esprit d’aucun d’entre vous ?
    — Nous avons saisi le rasoir sur-le-champ ! s’exclama Tron.
    — Mais, de toute évidence, sans prendre la peine de le regarder de près.
    — Une parole du colonel aurait suffi à dissiper le malentendu, protesta le commissaire d’une voix apathique.
    Son supérieur but une nouvelle gorgée de café en le fixant d’un air furieux.
    — Sauf qu’il n’en a rien fait ! Au lieu de cela, il vous a laissé vous enferrer, ce qui n’était possible que parce que vous avez échafaudé toute une théorie à partir d’une pièce à conviction boiteuse !
    Il reposa la tasse brutalement.
    — Que s’est-il passé une fois que le sous-lieutenant Sikorski eut débarqué avec ses hommes ?
    — Je l’ai mis au courant de la situation et lui ai confié le colonel, en le priant bien entendu de nous faire parvenir dès le lendemain un procès-verbal de remise du prisonnier.
    — Ensuite ?
    — Ensuite, le sous-lieutenant Sikorski a détaché le colonel qui l’a aussitôt pris à part pour échanger quelques mots avec lui.
    Le commandant étouffa un gémissement.
    — Alors, le sous-lieutenant a demandé à voir la pièce à conviction. J’ai raison ?
    Tron acquiesça.
    — Sikorski a ouvert le rasoir pour inspecter la lame, et après, il m’a demandé ce que j’en pensais.
    — Qu’avez-vous répondu ? demanda Spaur en se penchant au-dessus de son bureau pour le regarder droit dans les yeux.
    Le commissaire constata qu’il n’avait aucune envie de se rappeler le moment le plus pitoyable de toute cette soirée, celui où le sous-lieutenant Sikorski avait essayé en ricanant de s’entailler le pouce et où lui-même s’était fait à juste titre l’effet d’un âne.
    — J’ai dû reconnaître, dit-il, que la lame du rasoir…
    Il n’eut pas la force de terminer sa phrase.
    — Oui ? insista le commandant, sans pitié.
    — Que la lame était émoussée.
    Spaur souriait, mais son regard était glacial.
    — Alors le colonel vous a fait remarquer, je suppose, que l’assassin ne partait probablement pas au combat avec un rasoir émoussé.
    Tron soupira.
    — C’est exact.
    — Par conséquent, le colonel est lavé de tout soupçon.
    — Pas nécessairement.
    Spaur haussa les sourcils.
    — Que voulez-vous dire, commissaire ?
    — Il se pourrait qu’il soit venu tâter le terrain, suggéra Tron.
    — Pour préparer un nouveau crime ?
    — Pourquoi pas ? Après la débâcle à San Giovanni in Bragora, il n’était certainement plus prêt à courir de risque. Il ne pouvait pas se douter que la femme allait tomber sur son rasoir et l’assommer.
    Le commandant de police sortit la bouteille de grappa de son tiroir, ôta le bouchon et jeta à son subalterne un regard compatissant.
    — Vous croyez toujours que le colonel est celui que vous recherchez ?
    — En tout cas, je ne l’écarterais pas encore de la liste des suspects, répondit Tron, bien qu’il eût conscience de l’absurdité de cette remarque puisqu’il n’y avait pas de liste de suspects et que c’était justement là que résidait le problème.
    Spaur versa une goutte de grappa dans son café.
    — Si c’était vraiment lui, conclut-il, les meurtres devraient cesser. Le colonel va se faire tout petit.
    Tron fit non de la tête.
    — Je ne crois pas.
    — Et pourquoi cela ?
    Tout à coup, le commissaire entendit de nouveau la voix stridente avec laquelle Stumm von Bordwehr avait hurlé au commissariat : « Je vais te refroidir ! Je vais te refroidir ! »
    — Parce que le colonel est fou, déclara-t-il.

32
    La nappe était pleine de taches, le vin de Falerne était aigre et gelé, et bien entendu, son verre graisseux était couvert de traces de doigt. Il n’avait pas été surpris non plus de constater que la serviette avec laquelle il devait s’essuyer la bouche avait déjà servi. L’auberge, qui s’appelait trattoria Goldoni , était une vraie porcherie. Rien qu’à imaginer l’état de la cuisine, il avait des haut-le-cœur.
    À la table voisine, deux

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