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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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jugement. Les grands bolcheviks du Caucase, Mdivani , Okoudjava et autres, plus hommes d’action, n’ont
pas marché. Fusillés sans jugement. La plupart des militants refusent l’affreux
marché – et sont fusillés sans procès. Ainsi Karakhane et Enoukidzé dont on parle beaucoup au procès des 21
et dont l’absence sur le banc des accusés est significative. Tous les recoupements
nous portent à fixer à plus de cent le nombre des inculpés des deux premiers
procès. De ce nombre, trente-trois ont consenti à avouer, plus de soixante-sept
s’y sont refusés – et ne sont très probablement plus de ce monde. On connaît le
mot de l’un de ces résistants, le vieux bolchevik, collaborateur du Guépéou, Fridman :
« On ne peut me fusiller qu’une fois, on ne fera pas de moi une p… »
Trop homme d’action pour que l’argument du dévouement au parti par l’infamie
pût prendre avec lui.
    Si pas un des quatre à cinq cents trotskistes authentiques, en
captivité depuis 1928, n’a figuré dans ces procès d’imposture et d’agitation
politique, c’est que l’argument de la fidélité au parti de Staline, c’est-à-dire
à un parti avec lequel ils ont rompu, ne saurait jouer à leur égard.
    Les accusés des deux premiers procès ignoraient pour la
plupart qu’ils seraient exécutés et furent trompés. Ceux d’aujourd’hui savent. Aussi
a-t-il fallu des mois pour briser leur résistance et se montrent-ils à la barre
sensiblement moins complaisants. Rykov, Boukharine, Racovski ont résisté huit
mois dans les geôles. Ici interviennent les facteurs complémentaires de l’inquisition.
Tout ce que je sais et mon expérience personnelle me portent à écarter l’hypothèse
entièrement superflue de la torture physique ou des drogues. La torture psychologique
suffit amplement avec le temps. Elle se réduit à l’isolement absolu sans
occupations ni lectures, à des interrogatoires fréquents, très longs et très
fatigants, nocturnes de coutume, à la menace constante d’une exécution
immédiate (l’inculpé ne sait jamais quand il sort de sa cellule si ce n’est pas
pour descendre à la cave des exécutions), au chantage par la souffrance des
proches, emprisonnés d’usage et souvent soumis à la même attente quotidienne de
la mort… Usure des nerfs, souffrance des proches, exécution sans procès des
non-consentants, sélection des accusés et, par-dessus tout, fidélité des plus
grands au parti de Staline, demeuré malgré tout, à leurs yeux, celui de la
révolution, voilà toute l’explication de ces aveux en service commandé.

Complots en URSS ? *
    19-20 mars 1938
    Ainsi, pour la troisième fois, au cours d’un procès si
monstrueux qu’il défiait à chaque heure le bon sens, la vérité historique, la
vraisemblance et, – plus que tout autre chose ! – le sentiment socialiste,
[ils] [209] ont avoué, tout avoué, et ils sont morts, fusillés le surlendemain dans une
cave, comme ils s’y attendaient bien. Mort de cette mort atroce, Nicolas
Boukharine, le plus aimé, le plus riche en idées, des grands bolcheviks de
naguère, – Alexis Rykov, successeur de Lénine à la tête du gouvernement, – Rosengoltz [210] qui rendit d’éclatants
services sur les champs de bataille, avant d’en rendre de non moins grands dans
l’économique, Fayzulla Khodjaev [211] ,
dont le rôle fut capital dans la soviétisation de l’Asie centrale… À côté d’eux,
l’homme à tout faire du Tyran, son chef des polices, le seul dont les aveux, avec
leur déballage hideux de poisons, de médicaments secrets, de laboratoires
pharmaceutiques, service spécial de la sûreté, me paraissent assez probablement
(bien que partiellement) vrais ; mais s’il a hâté la mort de Gorki, ça été
par ordre supérieur, nul de ceux qui connaissent le régime n’en doutera. À coté
d’eux de vieux médecins, comme ce Dr Lévine qui soigna Lénine et prodigua son
dévouement à tous les anciens chefs du parti, ce qui en faisait du reste l’un
des témoins les plus gênants d’une époque. Il n’y a plus de témoin. Il y a
quelque part à cette heure le corps froid d’un bon vieux médecin à barbiche, la
nuque trouée. Dix-huit corps sont ainsi et Boukharine, qui fut une si fière
intelligence, qui ne vécut vraiment que pour la classe ouvrière, gît à coté d’on
ne sait quels agents provocateurs. Son supplice est fini. Il a duré une dizaine
d’années.
    J’ai sous les yeux un vieux

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