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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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à
l’étranger – sage précaution ! – et sa femme, d’origine anglaise, déportée
à Sverdlovsk [301] ,
dans l’Oural.
    Brutalement écarté, le porte-parole de Staline dans la
diplomatie jouira-t-il longtemps de la liberté relative qui lui est laissée par
pure bienséance à l’égard de ses relations à l’étranger ? Ce n’est guère
probable. Il sait trop de choses. Il connaît le passé de Staline depuis 1905. Il
connaît l’histoire et l’histoire cachée du parti. Il connaît les dessous des
grands procès. Il connaît les dessous de la politique étrangère. Il connaît
vraiment trop de choses… Il a connu vraiment trop de disparus.
    On se demande bien à tort pourquoi Litvinov s’en va juste au
moment où les pourparlers entre Londres et Moscou entraient dans la phase
décisive. Il y a de fortes raisons de croire que les offres d’alliance faites à
l’Angleterre par l’URSS sont délibérément inacceptables. Uniquement destinées, en
un mot, à mieux faire ressortir aux yeux du III e Reich l’importance
de la neutralité stalinienne – et à donner à la politique de « sécurité
collective » un épilogue conforme aux besoins de l’agitation à l’intérieur
et à l’extérieur.
    Reportons-nous, pour y voir clair, à certains passages
significatifs du grand discours prononcé par Staline au XVIII e congrès
de son parti, au début de mars, et publié dans la
Pravda
du 11 mars. Comment les diplomates et les
journalistes des pays démocratiques ont-ils pu, après cette manifestation
oratoire, fonder des espérances sur Staline, on se le demande non sans quelque
stupeur.
    Le chef général commença par reprocher aux pays
démocratiques de n’avoir pas voulu instituer à temps, avec décision, un système
de sécurité collective ; puis d’avoir passé, vis-à-vis des agresseurs, à
une politique de non-intervention. « Jeu dangereux, dit-il, qui peut se
terminer, pour eux, par un échec sérieux… »
    Mais les passages suivants du discours sont autrement
importants. Staline dénonce âprement, comme des provocateurs à la guerre, les
journalistes anglo-français et nord-américains. Il accuse formellement les
États démocratiques de vouloir provoquer la guerre entre l’URSS et l’Allemagne.
Citons textuellement l’organe officiel de Moscou :
    « Très caractéristique le bruit que la presse
anglo-française et nord-américaine a fait au sujet de l’Ukraine soviétique… Il
semble bien que ce tintamarre suspect avait pour objet d’exciter la fureur de l’URSS
contre l’Allemagne, d’empoisonner l’atmosphère et de provoquer, sans raisons
visibles, un conflit entre l’URSS et l’Allemagne. »
    La conquête de la Tchécoslovaquie par Hitler, Staline l’explique
ainsi :
    « On peut penser que les rayons (
sic
) de la Tchécoslovaquie ont été
donnés aux Allemands comme le prix de la guerre qu’ils s’engageaient à faire à
l’URSS ; mais les Allemands refusent maintenant d’acquitter la traite… »
    Notez que ces paroles sont prononcées à l’heure même où la
Reichswehr prépare son entrée à Prague.
    La directive de Staline au congrès – et au gouvernement – est
catégorique :
    « 1. Continuer la politique de paix et d’affermissement
des relations d’affaires avec tous les pays. »
    Soulignons : avec
tous
les pays. Donc : si les pays agresseurs veulent acheter du
pétrole soviétique, le leur vendre.
    « 2. Se montrer prudents et ne pas laisser les
provocateurs de guerre, accoutumés à se faire tirer les marrons du feu par
autrui, entraîner notre pays dans un conflit ».
    À quoi se réduit dès lors le « soutien » promis
aux peuples victimes d’agressions et « en lutte pour leur indépendance
nationale » ? Nous examinerons un autre jour, plus à loisir, quels
intérêts commandent la politique étrangère de Staline. Deux constatations s’imposent
pour l’heure : que l’aggravation du conflit entre l’Axe et le bloc anglo-français
détourne de l’URSS la menace germanique ; que la garantie donnée par la
France et la Grande-Bretagne à la Pologne et à la Roumanie couvre en fait les
frontières soviétiques contre une agression allemande… Et voici Staline en
position privilégiée, à même de marchander sa sympathie et de garder, tant qu’il
lui conviendra, une neutralité avantageuse.
    La Tchécoslovaquie disparaît, en tant qu’État souverain, de
la carte d’Europe. Elle était l’alliée de

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