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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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et perles pour qu'il en disposât, elle les a emportés. Ce qui vous vaut de les admirer chaque soir à son cou, à ses doigts ou à ses poignets, rapporta Colson, amusé.
     
    – Ainsi parée, elle doit bien valoir un millier de carabines Enfield ! estima Desteyrac, railleur.
     

    Une véritable amitié, fondée sur une estime réciproque, unissait maintenant Lewis et Charles. Tous deux caractères entiers, intransigeants sur le respect des principes, ils ne tenaient pas rigueur aux autres des faiblesses de leur nature et s'efforçaient avec virilité et discrétion d'en limiter les conséquences. Au fil des années, le marin avait appris à l'ingénieur à se servir d'un sextant, à faire le nœud de chaise ou celui de cabestan, l'avait initié à la pêche au marlin et au tarpon qui demande force et obstination. En échange, l'ingénieur lui avait enseigné le subtil calcul de la résistance des matériaux, science utile à qui s'intéressait, comme Lewis, à la construction navale. Il arrivait aux deux amis de se pencher ensemble, par jeu intellectuel, sur des problèmes de mathématiques complexes, dont le marin assurait qu'on y trouvait la plus belle illustration d'une logique dont la philosophie n'enseignait que les rudiments.
     
    Ce soir-là, au cours du dîner, alors que la houle océane passait soudain de la mollesse à la nervosité, Mark Tilloy transmit aux convives les consignes du commandant.
     
    – Cette nuit, tenez fenêtres et hublots fermés. Ne laissez pas dans vos chambres verres et bouteilles hors des casiers. N'allumez pas de chandelles, ôtez des étagères vos objets de toilette et enfermez-les dans des tiroirs. Évitez de sortir sur le pont, car nous allons subir un grain blanc, c'est-à-dire un sérieux coup de vent et une grosse pluie.
     
    – Mon Dieu, une tempête, est-ce possible ? s'exclama Varina Cornfield.
     
    Par gros temps, les marins se gardent de prononcer le mot tempête. Il suffirait, d'après les Anciens, à la convoquer pour malmener le navire sur lequel on aurait eu une telle imprudence de langage. Ceux du Phoenix n'échappaient pas à cette superstition et l'annonce d'un grain blanc, le plus perfide de tous, invitait à la circonspection.
     
    – Même si nous avons du gros temps, ne vous effrayez ni du tangage ni du roulis : ce sera bref. Le Phoenix est un navire solide, compléta Mark.
     
    – Si le bateau bouge beaucoup, vous ne me quitterez pas, n'est-ce pas, Malcolm ? gémit Varina, saisissant l'avant-bras de Murray.
     
    – Bien sûr, chère Winnie. Je serai là, répondit-il en caressant la main de sa voisine.
     
    – Ne craignez rien. Le commandant Colson et Mark Tilloy sont des marins expérimentés. Si vous restez enfermée dans votre appartement, vous ne courrez aucun risque. Ce n'est que sur le pont, n'est-ce pas, Malcolm, que l'on peut recevoir un espar dans les tibias, dit Uncle Dave, rappelant ainsi à Murray l'accident qui lui valait une jambe plus courte que l'autre.
     
    L'orage s'annonça par une série d'éclairs arborescents dont le crépitement fit pousser des cris d'effroi à Varina Cornfield. Les rafales projetaient de l'écume jusque dans la voilure, déjà réduite, quand une grosse pluie inonda le pont, giflant les fenêtres de la salle à manger.
     
    Rappelé sur la passerelle par le commandant, Tilloy demanda à Murray et au docteur Kermor de reconduire, sitôt le repas achevé, Varina Cornfield à son appartement avant que le grain ne gagne en intensité. Le service terminé, les deux hommes offrirent leur bras à la passagère et Charles regarda le trio s'éloigner vers l'arrière en titubant.
     
    Le navire s'inclinait et se redressait, épousait les ondulations amples et râpeuses de la houle. La mâture offrait au vent ses instruments préférés : vergues, haubans, drisses, écoutes, balancines, dont il tirait modulations geignardes ou hargneuses, ricanements ou hululements sinistres – autant de plaintes et d'appels de marins engloutis, d'après le maître d'équipage.
     
    Sous l'averse, Charles se rendit au salon où, comme chaque soir après dîner, il rejoignait Uncle Dave et Michael Hocker pour vider en leur compagnie une bouteille de porto.
     
    Le médecin reparut bientôt, trempé comme un barbet.
     
    – Mon ami, je suis résolument hydrophobe ! Servez-moi, je vous prie, un verre de ce vin. D'après Colson, ce temps va durer trois ou quatre heures. Inutile d'attendre Hocker, il doit tenir son poste,

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