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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Pittsburgh, de qui elle s'était éprise avec fougue au cours du séjour de l'Américain à Soledad. Après avoir amorcé avec l'adolescente un flirt sans conséquences, Bob s'était laissé prendre au charme un peu mièvre de cette petite-fille de Maoti-Mata, tanagra à la peau cuivrée et au regard langoureux. Dès son retour en Pennsylvanie, il lui avait adressé des lettres imprudentes, à la fois tendres et sérieuses, dans lesquelles Viola, un peu simplette, avait lu un engagement. Robert avait même promis de revenir sur l'île avec le matériel ferroviaire de lord Simon. Depuis cette promesse, la guerre entre les États américains avait compromis les projets des uns et des autres. Dans sa dernière lettre à son ami Charles Desteyrac, comme dans celle adressée à Viola à la même époque, Robert Lowell annonçait son incorporation dans l'armée fédérale. « En tant qu'ingénieur, je vais servir avec le grade de lieutenant, dans l'artillerie du général Grant, pour combattre les rebelles des États cotonniers. Nous les mettrons bientôt à la raison et, de retour à Pittsburgh, je n'aurai de cesse de réunir locomotive et voitures pour le train de lord Simon que j'escorterai, bien sûr, jusqu'à vous. » Ces messages dataient, hélas, de plus d'un an. Depuis, les lettres de la jeune fille, comme celles de Charles, restaient sans réponse.
     
    Ounca Lou qui, dès le premier jour, avait mis Viola en garde contre la versatilité des hommes – « loin des yeux, loin du cœur », répétait-elle – ne parvenait pas à tranquilliser la gentille Arawak. Tourmentée plus que de raison, celle-ci finit par demander à sa tante, vieille Indienne de son village, confidente reconnue et patentée des zemis familiaux, d'interroger les esprits protecteurs. Par le truchement de l'officiante, les zemis rassurèrent la jeune fille : son amoureux ne l'avait pas oubliée mais était pour le moment dans l'incapacité d'écrire. À l'instigation de sa parente, Viola suspendit, au-dessus d'une boîte contenant les lettres de Lowell, un flacon bouché à la cire où baignait, dans du rhum, le cadavre d'une araignée, capturée une nuit de pleine lune. Ainsi Robert Lowell serait protégé des dangers de la guerre...
     
    Charles et Ounca Lou respectaient assez les superstitions insulaires pour taire leurs doutes quant à l'efficacité d'une telle pratique.
     

    Depuis le départ de Malcolm Murray pour les États-Unis, Varina Cornfield boudait et s'ennuyait. Installée dans une aile du manoir avec un couple de domestiques et une femme de chambre mulâtre, elle passait son temps à se plaindre de la rusticité des lieux et du service. Comme elle disposait d'un attelage et d'un cocher pour ses promenades dans l'île, Eliza Colson, Ounca Lou, Dorothy Weston Clarke et Margaret Russell se relayaient pour faire découvrir à l'Américaine les charmes de Soledad. Varina ne goûtait guère l'exubérance de la nature insulaire, qu'elle eût aimée plus disciplinée, et redoutait la proximité des insectes, des moustiques surtout, cependant moins agressifs que ceux des bords de l'Ashley. Elle pinçait les lèvres et se détournait quand un fermier, qu'il s'agît d'un Noir ou d'un Arawak, s'approchait de la voiture pour saluer et bavarder de tout et de rien avec celle qui l'accompagnait. Pour tout un empire la Sudiste n'eût adressé la parole à un Noir – autrement que pour donner un ordre à un de ses esclaves –, comme le faisaient avec naturel Ounca Lou et Eliza Colson. Le fait que Pacal eût pour compagnons de jeux des Indiens et des Noirs ne pouvait, d'après elle, que nuire à l'éducation du petit-fils d'un lord.
     
    C'est avec Ann Cornfield, douée de la patience des infirmes, que Varina se sentait le plus à l'aise. N'étant pas une abolitionniste intransigeante, la fille de Jeffrey écoutait, sans récriminer, les propos que Varina tenait sur les esclaves, qui avaient été fort dociles jusqu'en 1861, et semblait admettre les raisons que donnait cette femme de planteur de la sécession sudiste.
     
    « Mon mari dit que les Yankees nous combattent non pour supprimer notre institution particulière, mais parce que le Sud a voulu se libérer de l'emprise économique du Nord. Le gouvernement de Washington est constitué par une bande de rapaces qui exploitent depuis longtemps les richesses du Sud. Il a empêché nos États d'ouvrir leurs ports au commerce international et, maintenant, il se sert des nègres pour

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