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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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me rejoignit comme major après s'être illustré chez les lanciers. Car ses lanciers nous avaient tirés d'affaire après que nous fûmes tombés dans une embuscade en passant le grand défilé de Dobarra, près d'Udaipur. Ce jour-là, Eddie m'a bel et bien sauvé la vie et j'ai tout fait pour qu'il passe au hussards, le plus noble de nos régiments. Mais c'est loin, tout ça ! Bien loin, Charles... Aujourd'hui, l'Inde est pacifiée. Les officiers de lanciers et de hussards paradent dans les revues, quand ils ne chassent pas le tigre avec un maharaja ou ne flirtent pas dans les salons de Simla, de Bombay ou de Delhi avec les épouses ou les filles des hauts fonctionnaires, acheva Cornfield, mélancolique.
     
    Pour être en harmonie avec son époux, lady Lamia s'était drapée dans un sari vert et blanc, brodé de fil d'or. Trois rangs de perles remplaçaient son collier de dents de requins. Malgré tous les efforts de Ma Mae et d'Ounca Lou, elle n'avait pu réduire le volume de sa chevelure bouclée. Son visage osseux et son étrange regard de diamant noir, aujourd'hui radieux, semblaient émerger d'un crêpage de fils d'acier, dans lequel il eût été vain de vouloir passer un peigne.
     
    Acclamés par les uns, félicités par les autres, étreints par les plus audacieux, les mariés acceptèrent toutes sortes de cadeaux : boîtes et étuis en écaille de tortue, statuettes sculptées dans le bois ou le calcaire, coupes de coquillages, étoiles à cinq branches de corail rose censées protéger des fièvres, gris-gris et amulettes des Taino, mangues confites, et bien d'autres objets et friandises que le major et Lamia déposaient dans les paniers portés par les enfants de Pibia, tous de blanc vêtus.
     
    Edward et Lamia parcoururent le parc de buffet en buffet afin que tous puissent les approcher, les saluer, leur débiter un compliment, formuler des vœux, jusqu'au moment où ils durent prendre place sur une petite estrade déjà occupée par lord Simon, le cacique Maoti-Mata, les officiers de la flotte Cornfield et les notables du Cornfieldshire. Les Arawak dansèrent au son de leurs tambours en peau de chèvre, puis, pour clore la cérémonie, la fanfare des marins du Phoenix interpréta le God Save the Queen .
     
    Tandis que se poursuivaient dans le parc, jusqu'au crépuscule, les réjouissances indigènes, le dîner aux chandelles rassembla les intimes à Cornfield Manor. Au menu figurait, après le potage bahamien de tortue, un curry de légumes qui accompagnait des gigots de chèvre servis avec des galettes frites et de la compote de tamarin. Le sikh Poko avait préparé ce plat indien comme il l'avait souvent fait, autrefois, pour le major, au bivouac, sous les deodars 8 .
     
    Lord Simon ouvrit la série des toasts en lançant le traditionnel « Messieurs, la reine ! », à quoi tous les convives, debout, répondirent : « Longue vie à la reine ! », avant de boire à la santé de la souveraine. Quand tous les Anglais eurent exprimé des souhaits de circonstance, lord Simon se tourna vers Charles Desteyrac, l'invitant à parler à son tour.
     
    – Je suis, comme vous tous, heureux de voir l'homme qui me conduisit il y a dix ans sur cette île, et la femme qui me permit de construire un pont, devenu lien fraternel entre Soledad et Buena Vista, unir des destinées longtemps parallèles. Elles confluent aujourd'hui, et cela nous réjouit. Car personne, n'est-ce pas, n'a jamais aimé sans espérance, conclut Charles, faisant allusion à la fidèle obstination d'Edward Carver.
     
    – Vous vous trompez, Charles : on peut aimer sans espérance, glissa doucement Ottilia à l'ingénieur, quand il reprit sa place à table près d'elle.
     

    Plus tard, les mariés ouvrirent le bal puis, bientôt, se retirèrent discrètement.
     
    1 Fille du roi Léopold de Belgique, oncle de Victoria.
     
    2 Méthode d'équitation et de chasse à courre.
     
    3 Gentilhomme campagnard.
     
    4 Zone de culture du coton dans le sud des États-Unis.
     
    5 Troupe de cavaliers irréguliers dont usait, aux Indes, l'armée britannique.
     
    6 Demi-sang indien.
     
    7 Grand sabre indien.
     
    8 Cèdres de l'Himalaya.
     

2.
     
    En janvier 1864, on lut dans The Nassau Guardian un article qui déplut beaucoup à Monsieur le Consul des États-Unis : « La présence continuelle de croiseurs fédéraux dans les eaux de la colonie, en violation de la neutralité que le gouvernement de Sa Très Gracieuse Majesté

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