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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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saline.
     
    – Après une période de prospérité due aux exportations de sel vers les États-Unis, notre commerce risque maintenant de pâtir des droits de douane qui frappent le sel bahamien depuis que, l'an dernier, les Américains, à peine sortis de la guerre de Sécession, se sont mis à produire eux-mêmes du sel. Ce protectionnisme imprévu menace de ruiner aussi bien les sauniers d'Inagua que ceux de Ragged Island, résuma l'employé.
     
    Les insulaires avaient de tous temps récolté du sel sur ces îles proches de Cuba. Au ramassage du chlorure de sodium à l'état pur, sur les étangs d'eau saumâtre, s'étaient ajoutées, depuis 1848, l'exploitation du sous-sol, riche en sel gemme, et la création de la Heneagua Salt Pond Company 8 . Des pompes, actionnées par des moulins à vent, permettaient d'extraire, de nombreux forages, un sel d'excellente qualité. Comme à Nassau, la guerre civile américaine avait apporté prospérité aux insulaires, qui exportaient, bon an mal an, un million et demi de boisseaux de sel. C'est au cours de cette période faste que Matthew Town, la seule ville de l'île, s'était développée et qu'avaient été construites, en 1852, une église anglicane, Saint Philip Church, et la saline, immense bâtiment à l'architecture inattendue sous les tropiques. Avec sa toiture en tuiles de bois, ses lourds contreforts à larmiers accolés à une longue façade aveugle et ses portes sous arcatures, cette construction tenait de l'arsenal et de la prison 9 .
     
    La mévente du sel étant venue, les autorités locales comptaient maintenant sur la forte augmentation du trafic maritime entre Amérique du Nord et Amérique du Sud, qui conduisait beaucoup de navires à s'arrêter dans les îles bahamiennes, pour s'approvisionner en eau, charbon, légumes et fruits frais.
     
    Lord Simon faisait le même calcul que les insulaires d'Inagua. Toujours soucieux de l'avenir – « comme s'il se croyait éternel », plaisantait souvent Lamia –, il se disait persuadé que le percement de l'isthme du Nicaragua, décidé depuis 1850 par le traité Clayton-Bulwer, qui assurait la neutralité d'un futur canal entre la mer des Caraïbes et l'océan Pacifique, allait devenir une réalité, et que Great Inagua serait à l'avenir une escale obligée.
     
    Les propos que lord Simon avait tenus à Charles Desteyrac prirent sur place, pour l'ingénieur, valeur de projets concrets.
     
    – Nous devons préparer Inagua et Ragged à recevoir de plus en plus de bateaux. Nous allons donc y construire des quais, des entrepôts et des lieux d'hébergement, dit-il.
     
    – Et aussi des tavernes, où les marins en bordée puissent trouver de quoi se distraire, plaisanta le régisseur.
     
    – Dans ce cas, un lazaret ne sera pas superflu, commenta Colson.
     
    – Des financiers cubains et américains s'intéressent déjà à nos îles. Aussi serait-il bon que vous achetiez, dès maintenant, des terrains, conseilla un administrateur.
     
    Trouver des sites appropriés, convaincre leurs propriétaires de vendre des terres en évitant qu'ils ne majorent le prix de l'acre au seul nom de Cornfield, étudier l'emplacement des constructions, relever des plans, prévoir matériaux et main-d'œuvre pour commencer les terrassements prit cinq semaines dans une société indolente, où le temps semblait sans durée ni valeur.
     
    Le 1er octobre, tout étant réglé dans le détail, Charles et Lewis, après un dîner offert par la direction de l'exploitation, prirent congé de leurs hôtes et, comme chaque soir, regagnèrent l' Apollo . Matthew Town ne possédait qu'une seule auberge, dont les chambres avaient paru aux voyageurs beaucoup moins confortables que les cabines de leur brick.
     
    – Demain, nous appareillerons vers cinq heures du matin et nous serons à Ragged Island pour dîner, dit le commandant Colson en souhaitant une bonne nuit à Charles.
     

    Jupiter allait en décider autrement. Quand parut l'aube, un océan coléreux, grondant comme un fauve et crachant de l'écume, faisait danser les bateaux à l'ancre dans le port. Les membrures de l' Apollo , pressé contre le quai, gémissaient comme si la houle allait écacher le voilier, le faire s'ouvrir tel une noix sèche. Lewis Colson fit aussitôt suspendre des défenses supplémentaires pour prévenir les heurts de la coque contre la muraille, et tendre les amarres.
     
    Sous la pluie qui tombait, en gerbes, de nuages charbonneux, prêts à

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