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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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grand collectionneur d'armes médiévales et de blasons. À Paris, dans le quartier artiste de la Nouvelle-Athènes, un ami m'a fait admettre au cabinet de curiosités du sculpteur Jean-Pierre Dantan où j'ai vu des effigies bouffonnes de Victor Hugo, Balzac, Liszt, Rossini et d'autres personnalités, ainsi que des monstres naturalisés. Un antiquaire allemand, fournisseur des cours d'Europe, m'a montré ses automates érotiques et sa collection de lingerie féminine, acquise auprès des femmes de chambre d'actrices et de courtisanes célèbres. Toutes ces visites m'ont donné l'idée de réunir secrètement, mais sans limites ni préjugés, des objets rares ou chargés de signification, et tout ce qui, autour de nous, prend un sens particulier du seul fait de notre humanité, conclut Murray.
     
    – Et là-derrière, quelle autre surprise ? dit Charles, désignant une porte banale.
     
    – Mon petit atelier. C'est là que je transforme les empreintes que j'ai prises en moulages. Mes moules sont à creux perdu. Je n'en tire qu'une seule pièce, bien sûr ! précisa Malcolm.
     
    Le retour sur la véranda d'Exile House, à la clarté teintée de rose du soleil déclinant sur l'océan, fut pour Charles un soulagement. Il eut le sentiment de revenir dans un monde sans mystères ni dissimulations, après un séjour parmi les dépouilles sélectionnées d'existences inconnues. Le contenu de l'antre souterraine des curiosités reflétait sans aucun doute la personnalité tourmentée, morbide, à la limite de la perversion, et à jamais insatisfaite, de Malcolm Murray.
     

    Pendant les mois suivants, Charles Desteyrac et Bob Lowell travaillèrent ensemble à l'organisation du trafic ferroviaire instauré à Soledad. Très vite, les insulaires s'étaient accoutumés à l'usage du train, moyen de transport commode dont lord Simon avait sagement décidé qu'il serait gratuit pour les personnes. Seules les expéditions de marchandises acquitteraient une contribution. De simples calculs, faits par Robert Lowell, avaient persuadé Cornfield que l'impression, la perception et le contrôle des billets de voyageurs coûteraient plus que leur vente ne rapporterait.
     

    Au cours de l'été, pendant son séjour sur l'île, l'ingénieur Robert Lowell apprit qu'il venait d'être nommé professeur à Harvard University, au Massachusetts Institute of Technology – le MIT, comme il disait – fondé en 1861 2 , dans la ville de Cambridge.
     
    – Cette dépendance de Harvard est maintenant le centre d'enseignement technique le plus couru de l'Union. Il tient à la fois de votre École centrale des arts et manufactures et de votre Conservatoire des arts et métiers, expliqua Lowell.
     
    Les compétences de l'ingénieur de Pittsburgh, alliées à sa brillante conduite au cours de la guerre civile, à la perte de ses mains et à de hautes relations dans le milieu universitaire, lui valaient une chaire de métallurgie.
     
    On célébra, au Loyalists Club, cette nomination par une généreuse libation après laquelle, rentrant à Valmy où il logeait, Bob annonça à Charles son intention d'épouser Viola.
     
    – Nous sommes sûrs, l'un et l'autre, de nos sentiments, et je compte sur vous pour obtenir le consentement du vieux cacique, dont Viola ne voudrait pas se passer, bien qu'elle soit prête à se laisser enlever sans façon.
     
    – Vous comptez emmener Viola à Boston ? C'est une Arawak, de la nation des Taino, et cela se voit. Ne va-t-elle pas être rejetée par la société que vous serez, comme professeur, obligé de fréquenter ? Ounca Lou m'a souvent dit qu'étudiante au Rutgers College, elle avait parfois souffert de l'attitude méprisante des puritains à l'égard de ceux qui ne sont pas de purs WASP , dit Charles.
     
    – Une négresse ne serait certes pas acceptée. D'ailleurs, il ne viendrait pas à l'idée d'un Américain d'en épouser une. Viola est fille des îles, c'est différent. Elle a le teint mat, mais assez clair, et seuls ses yeux en amande et ses superbes cheveux noirs de jais trahissent son origine. On ne peut confondre une jeune fille bahamienne, élevée dans une colonie britannique – à l'européenne – bien que respectueuse des traditions de ses ancêtres, avec les Peaux-Rouges et les Apache qui tentent de nous empêcher, en tuant nos fermiers et nos ouvriers des voies ferrées, de porter la civilisation dans l'Ouest de l'Union. Enfin, pour la bonne société de Washington, Boston

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