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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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six ans, et je réponds de sa capacité à faire un bon mari et un bon père.
     
    – Mais il veut l'emmener à Boston. Comment y serat-elle reçue ?
     
    – Viola sera, là-bas, l'épouse d'un professeur estimé, soldat valeureux dans la guerre contre l'esclavage. Elle ne manquera de rien, ni de respect ni de confort, insista Charles.
     
    – Les Américains, mon fils, n'aiment pas plus les Indiens que les nègres. On a bien vu comment les touristes – et ceux qui ont habité Nassau pendant la guerre – traitaient les Arawak. Et, aujourd'hui, on voit comment les anciens planteurs des Carolines et de Virginie, restés dans nos îles, confondent dans un même mépris les Indiens et les nègres. Les Arawak n'ont jamais été des esclaves. Pour ces Blancs américains, nous sommes tous des colored people 3 , et même parfois des Jim Crow 4 , asséna le cacique.
     
    – Vous devez penser, vénérable patriarche des Taino et des Arawak, qu'avec le respect filial et l'amitié profonde que je vous dois et que je vous porte, je n'irais pas confier Viola à un homme qui ne la mériterait pas, ajouta Charles, entrant dans le jeu du cacique.
     
    Désireux de se faire prier pour valoriser un acquiescement dont il savait l'importance morale aux yeux des siens, Maoti-Mata avança, une heure durant, des arguments contre le projet de mariage, à seule fin de permettre au solliciteur de les combattre, si possible avec éloquence. Initié par lord Simon et Uncle Dave à cette joute diplomatique, Charles savait qu'il eût été irrévérencieux de ne pas palabrer le temps nécessaire. Après deux pichets de vin de palme, Maoti-Mata mit fin à l'incertitude.
     
    – Envoyez-moi, demain après le coucher du soleil, ces deux amoureux. Je satisferai leur espoir. Qu'ils viennent : je nouerai leurs cheveux et je les bénirai, dit Maoti-Mata.
     
    Charles, mission accomplie, s'en fut trouver Bob. L'Américain était occupé à dresser les plans des butoirs, dont la construction avait été oubliée sur la voie de garage où l'on abriterait le wagon-berline du lord. Il transmit la convocation du cacique.
     
    – Demain, vous aurez sa bénédiction, mais n'oubliez pas de lui porter un cadeau.
     
    – Mais que lui offrir ? Un paquet de dollars ?
     
    – Surtout pas ! Ce serait une injure grave. Le cacique ne vend pas sa petite-fille. Il l'accorde ou la refuse, avertit Desteyrac.
     
    – Que pensez-vous d'une caisse de porto ?
     
    – C'est un cadeau pour fournisseur, pas pour un cacique des Arawak, mon vieux.
     
    – Alors, quoi ? s'impatienta Bob.
     
    – Nos règles à calcul d'ivoire l'intriguent. Offrez-lui la vôtre, suggéra Charles.
     
    – Mais ce Sauvage ignore tout des logarithmes ! s'écria Bob.
     
    – Pas sûr. Ce vieil homme n'est pas un Sauvage ! À ne pas confondre avec vos Indiens des prairies ! C'est l'un des derniers représentants d'une civilisation plus raffinée que vous n'imaginez. Il a voyagé dans les Antilles et en Europe. À Londres, lord Simon l'a conduit à l'Exposition de 1851 et l'a fait recevoir en audience par la reine. Maoti-Mata parle et écrit l'anglais sans fautes, entend l'espagnol, un peu le français, et dessine assez bien. De plus, il m'a souvent étonné par ses connaissances mathématiques. Comme les Aztèques, les Arawak des Taino se livrent à de surprenants calculs astronomiques... sans table de logarithmes ! dit Desteyrac.
     
    – Va pour ma règle à calcul ! Viola vaut mieux que toutes les règles d'ivoire réunies, lança Lowell, euphorique.
     
    Oubliant que sa main était de bois, il donna à Charles une vigoureuse bourrade.
     

    Mariés par le pasteur Russell, Bob et Viola reçurent de lord Simon un bol à punch en argent et embarquèrent sur l' Arawak , commandé par Mark Tilloy, en compagnie de Charles Desteyrac. Contraint de se rendre à Nassau pour organiser l'expédition des boîtes d'ananas de la Cornfield and Co. – pour la première fois à destination du Canada –, l'ingénieur assista à l'embarquement de l'Américain et de son épouse, sur le paquebot de la Cunard en partance pour New York.
     
    – Nous reviendrons en vacances, promit Bob.
     
    Effarée par l'agitation du port et la larme à l'œil, Viola se permit de saisir avec ferveur la main de Charles.
     
    – Faudrait, sir , trouver un bon mari pour ma sœur Adila. Bientôt, elle sera trop vieille pour se marier, et que deviendra-t-elle quand le petit sir Pacal aura plus

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