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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Dans la nuit, la police avait arrêté plusieurs suspects, dont un certain comte Felice Orsini, ancien collaborateur du révolutionnaire Giuseppe Mazzini, deux autres Italiens, Pierri et Rudio, membres du mouvement révolutionnaire Jeune-Italie, ainsi que Gómez, le domestique d'Orsini.
     
    À Ounca Lou, venue aux nouvelles, Charles commenta sa lecture.
     
    – Le terrorisme rend méprisables les causes les plus justes. Badinguet a, certes, fait aux Italiens des promesses qu'il n'a pas tenues, mais je ne puis accepter que des Parisiens innocents paient de leur vie la déception de ceux qui luttent pour l'indépendance de la péninsule. Nous autres, républicains, souhaitons la fin du régime impérial qui, chaque année, réduit un peu plus les libertés, mais non la mort de l'empereur, de qui le peuple doit se débarrasser par la voie politique.
     
    – D'après Ottilia, Napoléon III n'a pas fait que de mauvaises choses. Sous son règne, Paris embellit, m'a-t-elle dit.
     
    – Je sais. C'est surtout l'œuvre du préfet Haussmann. Au dire de mes amis, le régime aurait même rendu à la France l'autorité que les Bourbons et les Orléans lui avaient fait perdre. Mais, vois-tu, ces préoccupations sont aujourd'hui bien loin de ma pensée. Ma patrie, c'est toi ! lança Charles en étreignant sa femme pour un long baiser.
     

    Un mois plus tard, une lettre de Mme de Saint-Forin apprit à Desteyrac que trois des auteurs de l'attentat du 16 janvier – Orsini, Pierri et Rudio – avaient été guillotinés.
     
    « Seul le domestique Gómez a sauvé sa vie, et c'est bien dommage », écrivait la mère de Charles. Elle s'étendait plus longuement sur un événement que The Nassau Guardian n'avait pas rapporté : « Figure-toi que je l'ai échappé belle. Le 8 janvier, peu après dix heures et demie, je venais de quitter l'église Saint-Sulpice, où j'avais assisté à la messe dans la chapelle de la Vierge, quand une explosion dévasta le lieu saint. Je me suis précipitée avec d'autres pour porter secours aux blessés qui sortaient de l'église, couverts de sang. On sut bientôt que trois personnes avaient trouvé la mort : Mlle Lefauconnier, que je connaissais bien, une femme et un homme qui m'étaient inconnus. On crut d'abord à une machine infernale, mais les prêtres et le commissaire de police nous assurèrent qu'il s'agissait de l'explosion d'un tuyau du calorifère. Tout le monde n'admet pas encore cette explication en un temps où les révolutionnaires menacent la vie des honnêtes gens. On devait le voir, quelques jours plus tard, avec l'attentat dirigé contre le couple impérial. Dieu bienveillant les épargna car la France, fille aînée de l'Église, est protégée par la Vierge Marie. Le 11 février, à Lourdes, la mère du Christ est apparue à une petite paysanne qui ramassait du bois près d'une grotte. Cette Bernadette Soubirous a revu l'apparition plusieurs fois. Il y avait bien longtemps que l'Immaculée Conception ne s'était pas montrée », concluait Mme de Saint-Forin.
     
    Bien qu'elle eût été informée du mariage de son fils avec une jeune Bahamienne, et, plus tard, de la naissance d'un garçon dont Charles se disait le père, Mme de Saint-Forin n'évoquait jamais, dans ses lettres, l'existence de l'épouse et du fils de Charles. Pour elle, ce mariage sous les tropiques – « conjungo colonial », comme on disait des militaires qui se liaient provisoirement à des femmes arabes en Algérie – ne pouvait constituer une véritable union chrétienne. Quant à l'enfant, produit d'une demi-Indienne, donc demi-Sauvage, elle ne pouvait le considérer comme un petit-fils acceptable, et trouvait même scandaleux que Charles lui eût donné le prénom de son défunt père. Elle pensait que cet enfant et sa mère resteraient sur leur île quand Charles, ses travaux terminés, rentrerait en France où il prendrait une épouse digne de lui.
     
    Ce mépris affiché de sa mère pour la femme qu'il aimait affligeait l'ingénieur et il se prenait à détester celle qui l'avait mis au monde.
     
    Ounca Lou, ayant vu pour la première fois arriver une lettre de France, s'inquiéta, par égard pour son mari, de la santé de sa lointaine belle-mère sans oser demander si Mme de Saint-Forin faisait allusion à sa bru et à son petit-fils.
     
    – Pas un mot pour toi ni pour Pacal, Ounca ! Ma mère ne s'intéresse qu'à sa propre personne et à la vie mondaine. C'est par

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