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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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respect pour la mémoire de mon père, son premier époux, que j'entretiens avec elle une correspondance des plus formelle, dit Charles.
     

    En avril, avec les premières pluies de printemps, les buissons d'azalées se couvrirent de corolles rouges et roses, la goyave sauvage se para d'éphémères argentées, le tababuia, nommé pied de poule par référence aux cinq folioles de ses ombelles bicolores, hésita encore pendant quelques jours entre parure rouge ou violette. Les hibiscus et les orchidées, dont l'île comptait des centaines de variétés, se partagèrent bientôt l'ombrage des tulipiers, flamboyants, tamariniers et cornouillers, tandis que lauriers-roses et sureaux jaunes offraient leur suc aux abeilles, descendantes de celles arrivées d'Espagne sur les bateaux des conquistadors. La carnivore droséra attendait de gober les premiers insectes trop curieux. Rassurés par les ondées, les crabes de terre qui, au cours de l'été, avaient marché jusqu'à la mer pour mettre au monde leurs petits, regagnaient l'abri des mangroves, et le mockingbird voletait d'un arbre à l'autre, cherchant l'enfourchure la plus sûre pour un futur nid.
     
    Devant la maison neuve des Desteyrac, dans un petit jardin à la française aux parterres symétriques séparés par des allées rectilignes, le gardénia bleu, fleur préférée d'Ounca Lou, dressa un matin, au milieu des massifs, ses capitules odorants. Timbo, qui connaissait les goûts de sa maîtresse, s'en fut couper trois fleurs qu'il disposa sur le plateau du petit déjeuner.
     
    Lord Simon approuvait le choix de Charles d'une maison de type colonial West Indies autant qu'il condamnait la villa néopalladienne de son neveu. Le fait que cette dernière fût encore inachevée, à cause des modifications et raffinements sans cesse apportés par Malcolm, l'agaçait. Les Murray, huit mois après leur retour d'Europe, étaient encore hébergés à Cornfield Manor.
     
    Lors de sa première visite aux Desteyrac, le maître de Soledad offrit à Ounca Lou une aubépine que ses jardiniers s'empressèrent de planter.
     
    – Cette bouture vient de l'aubépine du parc de Rockingham, à Kettering, dans le Northamptonshire, un énorme buisson autour duquel se réunissaient les paysans au temps du roi Jean sans Terre, au XI e  siècle. Elle fleurit chaque année, malgré son grand âge. On dit que l'aubépine est espérance d'éternité, commenta lord Simon.
     
    – Nous espérons en effet la pérennité de notre bonheur présent, dit Ounca Lou, amusée.
     

    À Soledad, toutes les résidences de quelque importance devaient avoir un nom qui, sur l'île et même dans l'archipel, tenait lieu d'adresse. Charles nomma sa demeure Valmy, en souvenir de la bataille où s'était illustré, en 1792, son grand-père paternel, artilleur dans l'armée révolutionnaire du général Dumouriez.
     
    Blottie dans un creux, au départ du sentier qui s'élevait en larges spirales autour du mont de la Chèvre, jusqu'à l'ermitage du père Taval, Valmy faisait face au nord et recevait sa lumière. Au-delà d'une étendue de prairies et de bosquets, on apercevait les toits de Cornfield Manor où l'on se rendait aisément en dix minutes de voiture.
     
    Conseillé par le major Carver, Charles avait choisi le site le mieux abrité des ouragans et du vent du sud-ouest que les indigènes appelaient tout simplement the wind , qui commençait à souffler en novembre et s'apaisait au bout de quelques semaines. Quant au vent violent du nord dont les manifestations étaient aussi rares qu'imprévisibles, il ne constituait pas un danger. Freiné par le cirque des collines du Cornfieldshire au nord de l'île, il conservait juste assez de souffle pour faire tinter, deux ou trois fois l'an, la cloche de l'ermitage du mont de la Chèvre.
     
    Toute l'élégance de Valmy tenait dans l'harmonie de ses proportions fort bien calculées par Malcolm Murray.
     
    Longue et basse, la maison, d'un seul étage surélevé par un sous-sol à demi enterré, était flanquée à chaque pignon d'une cheminée de brique. Le toit, couvert de tuiles en bois de gaïac, n'offrait aucune aspérité. En façade côté cour, une galerie abritée par une avancée de la toiture, soutenue par six colonnes de bois, donnait accès, par une porte à un seul vantail et quatre portes-fenêtres, à des pièces d'habitation. Un perron, dont les mains courantes de bois rappelaient la barrière de la galerie et, comme elles peintes en

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