Retour à Soledad
très vite l'habitude de travailler avec Desteyrac, dispensant d'utiles conseils pour la préparation du ballast, produisant images et plans apportés de Pittsburgh et qui visualisaient locomotives et wagons.
Après une conférence avec lord Simon, on arrêta le choix sur une locomotive de type Crampton à laquelle Lowell promit d'apporter des modifications pour l'adapter au réseau projeté. Avec un train avant mobile à quatre roues, système américain, elle serait mue, à l'arrière, par deux grandes roues munies de bielles. Équipée d'une chaudière de deux cents tubes, elle pèserait seize tonnes et pourrait tirer un convoi de huit à dix wagons, en tout quarante-cinq tonnes. Elle consommerait cinq kilos de coke au kilomètre, « y compris l'allumage et le stationnement ». Peinte du même bleu que le pont de Buena Vista, à la demande de lord Simon, elle porterait les armes des Cornfield, sur ses flancs et sa haute cheminée couronnée de cuivre.
Quand il apprit que la fabrication de cette machine, modifiée par Lowell en fonction de l'usage prévu, prendrait plus de dix mois, lord Simon fit la moue.
– Ce délai laisse le temps à Desteyrac de préparer le ballast. Ensuite, il faudra attendre la livraison des rails et du matériel, observa Lowell.
Si le choix des wagons à marchandises, que l'on bâcherait les jours de pluie, fut aisé, celui des deux voitures pour voyageurs prit une bonne semaine. On se résolut finalement à commander de petites plates-formes à quatre roues sur lesquelles seraient fixées des banquettes de bois. Des toits de toile – « à franges », exigea lord Simon – protégeraient les occupants du soleil et des intempéries. Restait, pour satisfaire Cornfield, à décider du type de la voiture réservée à son propre usage.
– Le vice-roi des Indes a une voiture-salon où il peut même dormir. Moi, je veux une voiture-calèche, confortable, qui ne secoue pas les tripes. Imaginez-la tous deux, et revenez me voir, ordonna-t-il.
Les deux amis se mirent au travail et, s'inspirant des grandes voitures hippomobiles, produisirent une sorte de berline sur rail, avec banquettes capitonnées de cuir, tapis, parois tendues de soie, cordons de passementerie, portières avec vitres coulissantes et marchepieds.
– Mieux vaut une voiture fermée, dont on puisse baisser les glaces, qu'une calèche ouverte. Les voyageurs seront ainsi protégés des escarbilles que ne manquera pas de cracher la cheminée de la locomotive, expliqua Lowell en présentant à Cornfield le dessin colorié de la voiture seigneuriale.
Le modèle fut agréé et tout paraissait en bonne voie quand l'ingénieur américain rappela que seraient nécessaires, aux deux extrémités du réseau, des plaques tournantes et des voies de manœuvre pour que le convoi, à l'aller comme au retour, fût tiré par la machine.
– Naturellement, il faut aussi prévoir des aiguillages, compléta Lowell.
– Quand roulera mon train ? demanda lord Simon.
– Si tout va bien, si les fabricants de Pittsburgh tiennent les délais, on peut penser, monsieur, que dans un an ou dix-huit mois d'ici, vous pourrez l'inaugurer, dit Lowell.
Un grognement d'ours répondit à l'annonce de cette décevante attente.
– Je vais faire signer des engagements aux gens de Pittsburgh, et s'il ne font pas diligence, mes hommes de loi leur réclameront cinq cents dollars par jour de retard dans leur livraison ! rugit Cornfield.
Bob Lowell s'inclina et Charles sourit.
– Ce sera à vous de prévoir le transport des éléments de votre train, dit Desteyrac, s'adressant au lord qui ne semblait tenir aucun compte de la difficulté d'acheminer par bateau une locomotive, des wagons, un matériel et des outils si pesants.
– Le moment venu, vous verrez ça avec Colson, grommela Cornfield en tournant les talons.
Après deux mois d'études et de plans, les terrassiers de Charles, travaillant par bordées, commencèrent à aplanir le sol destiné à recevoir plus tard le ballast.
– Il faut une base solide de calcaire corallien concassé, tassé et couvert d'une couche de sable, qui ne puisse se réduire en boue sous vos grandes pluies. Un ballast doit être perméable mais le plus sec possible. Vous devrez faire creuser de part et d'autre de la voie, et tout au long de celle-ci, des fossés où s'écouleront les eaux. Maintenant, bon courage ! dit Bob Lowell
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