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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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déshabillés et mis au lit, Pacal et Takitok, rotant comme des ivrognes, continuèrent leur sommeil.
     
    Poko fut envoyé au village des Arawak pour informer les parents de Takitok que leur fils passerait la nuit chez les Desteyrac.
     
    Ounca Lou ayant recouvré sa sérénité, Charles convoqua Timbo dans le jardin et, sans témoins, le sermonna.
     
    – Où les enfants se sont-ils procuré ce vin de palme ? demanda-t-il.
     
    – Fanny m'en donne toujou's un flacon, mossu, quand on va ensemble. C'est gentil cadeau. Pendant qu'on... pâ'lait tous les deux, un peu cachés, vous comp'enez ben pou'quoi, mossu, j'a laissé le vin dans le dog-ca't. Les enfants ont dû le p'end'e et y goûter, mossu !
     
    – Quand on a la responsabilité de deux enfants turbulents, on ne mignotte pas les donzelles, Timbo. Tu mérites que je te renvoie à Maoti-Mata et que ton amie soit elle aussi punie. J'imagine que le vin qu'elle t'apporte vient des caves de lord Simon... ?
     
    – Oh non, mossu, y vient de chez Pibia ! Si Pibia le sait, y batt'a Fanny toute nue. C'est comme ça qu'il est, Pibia ! C'est juste que vous me 'envoyez, mossu, mais pitié pou' Fanny qu'est une douce fille. Pa'lez pas du vin de Pibia à pé'sonne, mossu, please  !
     
    Charles promit et rejoignit sa femme qui regardait, endormis dans le même lit, les enfants qu'elle avait craint ne plus revoir.
     
    On ne sut comment ni par qui lord Simon fut informé de l'aventureuse ivresse de son petit-fils. Cela le fit beaucoup rire.
     
    – Il n'est jamais trop tôt, pour un gentleman, de se faire le palais au vin de palme avant de goûter à de plus fortes liqueurs ! dit-il.
     
    La bonne humeur du maître de Soledad relevait aussi d'une cause plus matérielle. Lewis Colson avait apporté de Caroline du Nord des journaux qui ne parvenaient pas d'ordinaire à Cornfield Manor. Plus que les rodomontades sudistes dont les feuilles étaient pleines, un article retint l'attention de lord Simon. Dans l'ouest de la Pennsylvanie, un certain Edwin L. Drake, ancien employé des chemins de fer, allait peut-être faire fortune en extrayant du sol, à Titusville, une bourgade située à cent quarante-huit miles de Pittsburgh, de grandes quantités d'huile médicinale. Interrogé par lettre, le lawyer 9 qui gérait les intérêts de Simon Leonard Cornfield dans les aciéries de Pennsylvanie confirma, quelques jours plus tard, la réalité d'une découverte prometteuse datée du mois d'août 1859.
     
    En fait, cette huile noire et malodorante, connue des Seneca, était depuis longtemps utilisée comme médicament. Jusque-là, sa rareté faisait son prix, car les Indiens la récoltaient à la surface des rivières et de certains étangs en déployant sur l'eau des draps qui s'imbibaient du liquide visqueux. Ils recueillaient ensuite celui-ci en pressant le tissu imbibé au-dessus d'un récipient. Mais, en 1857, des sauniers, qui foraient des puits pour obtenir l'eau saumâtre dont ils extrayaient le sel par dessiccation dans des chaudières, virent apparaître dans leurs forages cette même huile noire dont les soldats de l'armée de Washington, conseillés par les Indiens, enduisaient leurs articulations douloureuses. Comme cette huile corrompait leurs puits à sel, ils décidèrent de la recueillir dans des tonneaux et d'en tirer profit. Les plus entreprenants fondèrent l'American Medical Oil Company, mirent en bouteilles et vendirent aux apothicaires, sous le nom d' American Oil , un remède à tous les maux, de la rage de dents aux rhumatismes en passant par les indigestions et les hémorroïdes !
     
    Interrogé par lord Simon, le juriste révéla qu'un certain Samuel Kier avait déjà vendu deux cent cinquante mille flacons de Rock Oil , dite aussi Mustang Liniment , à un dollar pièce.
     
    Plus récemment, des gens avisés avaient appris à séparer, par chauffage de l'huile brute dans des ateliers appelés raffineries, des composants de ce produit minéral. Suivant le degré d'ébullition, ils obtenaient des huiles plus fluides. L'une avait des propriétés lubrifiantes pour les engrenages des machines, une autre brûlait dans les lampes sans dégager de fumée et en donnant une vive lumière. Le professeur Benjamin Silliman, de l'université Yale, avait assuré, après s'être livré à des expériences, que l'huile de terre était « chimiquement identique au gaz d'éclairage sous forme liquide 10  ». De quoi concurrencer l'huile de baleine,

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