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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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voudront de nos conches. Je propose de nommer notre société Buena Vista Conch Company ! conclut Charles en riant.
     
    – Cette affaire me plaît. Mais si nous faisons des profits, mon frère sera furieux. Car, dans son esprit, tout ce qu'on trouve sur Soledad lui appartient, émit Lamia.
     
    – Même les coquilles jetées aux ordures ?
     
    – Il est bien capable de nous démontrer que les puces de sable sont sa propriété ! lança lady Lamia, toute émoustillée à la pensée qu'elle allait révéler à son frère une capacité inattendue de « faire des affaires ».
     

    Le retour de l' Arawak remorquant une longue barge chargée du matériel ferroviaire fut salué par lord Simon comme la première étape de la création du chemin de fer tant désiré. Bien que cette initiative fît sourire la bonne société de Nassau, on admira dans les îles l'audace d'un précurseur.
     
    Charles avait depuis longtemps constaté qu'en dépit de l'absence de télégraphe, malgré la rareté des communications organisées, les nouvelles se répandaient comme portées par les alizés à travers l'archipel. Les pêcheurs qui se retrouvaient sur les lieux de pêche, parfois loin de leur port d'attache, les marins des caboteurs qui livraient marchandises, outils, produits alimentaires et médicaments d'une île à l'autre, les fonctionnaires en tournée, tous échangeaient des informations aussi bien que des ragots. Il n'était pas rare d'apprendre, à peine l'adultère consommé, que l'épouse d'un notable de Great Exuma trompait son mari avec le percepteur d'Andros, ou que la femme du pasteur de Crooked Island avait mis au monde des jumeaux. On savait aussi tout ce qui se passait à Nassau : combien tel voiturier percevait de dollars pour promener des touristes dans sa charrette, pourquoi la femme du gouverneur avait changé de couturière, et quelle serait la dot de la fille du premier banquier de New Providence. Aussi personne ne fut étonné, alors que les rails n'étaient pas encore en place sur Soledad, quand les producteurs d'ananas et de bananes de Cat Island demandèrent à lord Simon, un des leurs, de les aider à établir un chemin de fer entre le sud de l'île et le port de New Bight. Cela permettrait d'acheminer plus vite jusqu'aux cargos les fruits et légumes destinés à la Floride. Une voie ferrée d'une douzaine de miles suffirait. Lord Simon reçut les propriétaires de Cat Island, tous descendants de loyalistes, et leur demanda de patienter jusqu'à ce que le chemin de fer de Soledad fût en exploitation et qu'on pût en apprécier le coût.
     

    Retenu toute la journée sur le chantier de la voie ferrée, l'ingénieur Desteyrac ne regagnait Valmy qu'au crépuscule. Ce soir-là, rentrant chez lui satisfait du travail accompli, il trouva la maison déserte. Personne ne répondant à ses appels, il passa dans le jardin pour y voir Soka, la cuisinière, ancienne nourrice d'Ounca Lou, agenouillée devant un sureau et portant, suspendue à une branche, une bouteille qui contenait, dans du rhum, une araignée morte. Charles connaissait ce fétiche des Arawak installé près des maisons pour protéger leurs occupants contre le mauvais sort.
     
    Au bruit des pas sur le gravier, Soka se releva, montrant un visage défait et des yeux pleins de larmes.
     
    – Que se passe-t-il ? Où sont-ils tous ? demanda Charles.
     
    – Ah, mossu, g'and malheu'... peut-êt'e, peut-êt'e, a”ivé à petit Pacal.
     
    – Quel malheur ?
     
    – On l'a pé'du, mossu. On cherche pa'tout !
     
    Charles finit par apprendre que son fils et Tokitok, venu passer la journée à Valmy, étaient partis en promenade au début de l'après-midi dans le dog-cart avec Timbo, chargé d'aller cueillir sur la colline, derrière Cornfield Manor, des herbes aromatiques. Ces plantes poussaient sur la côte au nord-est de l'île, près de Pirates Tower. Ne voyant pas les enfants revenir à l'heure du goûter, Ounca Lou s'était inquiétée. Depuis plus de deux heures elle était à la recherche du trio avec Adila, la nurse de Pacal.
     
    – Pou'vu qu'y soyent pas allés au bo'd ! Qu'y soyent pas tombés dans la mé', mossu !
     
    Empli d'une crainte morbide, Charles sella un cheval et prit au trot le chemin qui, contournant le parc de Cornfield Manor, montait vers Pirates Tower dont la ruine dominait une falaise rocheuse battue des vagues. De loin il aperçut, penchés sur les récifs côtiers, un groupe de gens affairés

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