Retour à Soledad
l'intervention des fusiliers marins américains, une fille de Slidell gifla un officier qui lui manquait de respect. Finalement, après deux heures d'une vaine résistance, les diplomates confédérés et leurs secrétaires, McFarland et Eustis, furent forcés de passer sur le San Jacinto , les familles restant sur le Trent , qui fit route vers Southampton où il doit être arrivé depuis peu, précisa le fonctionnaire.
– Et que sont devenus les prisonniers ? demanda Charles.
– Le San Jacinto est arrivé le 24 novembre à Boston où le capitaine Wilkes à été accueilli par des ovations et un banquet. Le Congrès des États-Unis lui a même voté des félicitations officielles pour une capture qui n'a rien de glorieux, puisque accomplie au mépris des lois internationales. Wilkes se serait vanté d'avoir « tiré trois poils à la queue du lion britannique ». Notre consul a immédiatement alerté notre ambassadeur à Washington, Richard Bickerton Pemell Lyons, puis il a demandé à voir Slidell et Mason, enfermés à Fort Warren. Cela lui a été refusé. Les prisonniers ne sont pas reconnus comme diplomates, mais considérés comme de simples estafettes des rebelles par les Américains. Ce qui permettra de les juger et de les condamner. Comme ces messieurs ne sont pas citoyens britanniques, on ne sait comment l'affaire va tourner. Notre ambassadeur à Washington a déjà protesté auprès du gouvernement américain et demandé la libération des passagers indûment enlevés sur un bâtiment britannique, donc neutre, acheva le chef de cabinet.
– Nous devons maintenant attendre la réaction de Sa Très Gracieuse Majesté la reine Victoria et de son Premier ministre, Henry Temple Palmerston, commenta le président de la General Assembly .
– Il y a là un fâcheux casus belli, reconnut lord Simon.
– Monsieur le Gouverneur a demandé au capitaine Maitland de tenir le Hawk prêt à appareiller. Peut-être aurons-nous la guerre avec les États-Unis, compléta le fonctionnaire.
En regagnant l'hôtel, Cornfield, scandalisé comme devaient l'être tous les Anglais des Bahamas par ce qu'il nommait « un très grave incident diplomatique », admit que les rapports entre la Grande-Bretagne et les États-Unis ne cessaient de se détériorer depuis que la reine Victoria avait accordé aux Sudistes, considérés comme simples rebelles par le gouvernement de Washington, le statut de belligérants.
– C'est une reconnaissance de facto du gouvernement confédéré. De là à reconnaître bientôt le Sud cotonnier comme État indépendant, il n'y a qu'un pas de diplomate, dit Charles.
– Qu'un pas de filateur de coton anglais, mon ami ! lança Simon en s'esclaffant.
Il avait recouvré sa belle humeur en apprenant que, la tempête apaisée, le Phoenix prendrait la mer le lendemain pour le retour tant souhaité à Soledad.
Au cours des semaines qui suivirent, la tension monta entre le gouvernement de Washington et celui de la reine Victoria. Dès l'arrivée du Trent à Southampton, le 27 novembre, le cabinet britannique avait été informé de l'affaire. Bientôt, les membres du Parlement, prévenus par le Premier ministre Palmerston, et les citoyens britanniques, informés par la presse, manifestèrent leur indignation et approuvèrent la déclaration de John Russell, ministre des Affaires étrangères, qui considérait l'arrestation de Slidell et Mason comme « un acte d'agression, une insulte au drapeau britannique et une violation du droit international ». Deux jours après l'arrivée du Trent , une dépêche, destinée à l'ambassadeur de Grande-Bretagne à Washington, avait été rédigée. Elle donnait comme consigne à Lyons de demander la mise en liberté immédiate de Mason et Slidell et de leurs secrétaires, tout en exigeant les excuses officielles du gouvernement américain.
Envoyée à la reine Victoria, à Windsor, le 30 novembre, la dépêche fut soumise au prince Albert qui la trouva trop comminatoire et, quoique malade, alité et d'une extrême faiblesse, en adoucit les termes. Ce qui était à l'origine un ultimatum devint une demande, ferme mais courtoise, d'explications. « Si le gouvernement de Sa Très Gracieuse Majesté ne permet pas que son pavillon soit insulté et la sécurité des communications de ses courriers compromise, il refuse de croire que les États-Unis, de gaieté de cœur, aient voulu insulter notre pays et
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