Richelieu ou la quête d'Europe
son avis.
Poursuivant son oeuvre, Luynes tente d’obtenir de Marie de Médicis une lettre où serait reconnue une mauvaise gestion des affaires du royaume. Le favori de Louis XIII décide d’utiliser Barbin, traduit en justice à l’automne 1617. L’accusé et la reine mère sont autorisés à correspondre : Luynes intercepte toutes leurs lettres sans avertir le roi. Au début de l’année 1618, l’opinion publique commence à s’émouvoir du traitement infligé à l’ancienne régente et peut surtout constater que le nouveau gouvernement n’est guère plus efficace en matière financière et fiscale que celui de Concini. Les princes n’obtiennent plus rien et la libération de Condé n’est plus à l’ordre du jour. Beaucoup se tournent à nouveau vers Marie de Médicis. Le duc de Rohan lui-même, beau-père de Luynes, est de ceux-là. Au mois d’avril, le favori, en réaction, exhibe la correspondance entretenue par Barbin et la mère du roi.
L’impression de complot est si douloureuse pour Louis XIII que Luynes est autorisé à punir les coupables. L’un des premiers concernés est Richelieu, bien qu’il n’ait rien à voir dans les liens qui se sont établis entre Barbin et Marie de Médicis. Luynes veut l’éloigner davantage. Luçon est considéré comme trop proche de Blois . Le 7 avril 1618, Louis XIII rédige un ordre d’exil réel : Richelieu, son frère Henri et leur beau-frère de Pont-Courlay doivent partir à Avignon .
Les trois hommes arrivent dans la cité des papes le 12 mai, accueillis avec bienveillance par le vice-légat Giovanni Francesco di Bagno [2] . L’évêque de Luçon est menacé d’une inculpation judiciaire pour manoeuvres financières douteuses au profit de Concini. La haute trahison semble même être évoquée : à peine arrivé, Richelieu prépare sa défense en rédigeant un plaidoyer intitulé Caput apologeticum . Son exil à Avignon déclenche du moins une protestation importante : celle du souverain pontife, car l’évêque de Luçon ne peut plus effectuer les visites pastorales que son sacerdoce lui impose. Paul V convoque même l’ambassadeur de France à Rome , M. de Marquemont. Le secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Puisieux, confirme cependant la décision du roi.
Dans le même temps, l’instruction du procès de Claude Barbin se poursuit. L’ancien ministre n’est d’abord condamné qu’à une peine légère, mais Luynes intervient et obtient de Louis XIII l’aggravation de la sanction. Barbin est jeté en prison. La manipulation éclate au grand jour. Le gouvernement ne peut rester insensible à des manoeuvres plus proches du règlement de compte que d’une procédure équitable. Le chancelier, le garde des sceaux et le président Jeannin souhaiteraient que plus d’égards soient réservés à Marie de Médicis et à ceux qui l’ont servie. Un véritable climat de suspicion s’instaure : le secrétaire de Louis XIII est arrêté et le même sort est réservé au fils du représentant à Paris du duc de Lorraine . On craint qu’il ne soit à la solde du duc d’Épernon et de la reine mère.
La surveillance dont celle-ci fait l’objet ne se relâche pas. La visite de l’ambassadeur du grand-duc de Toscane lui est refusée. Tout semble fait pour inquiéter la reine mère et la pousser à quitter le royaume. Le gouvernement envisage même explicitement son départ pour Florence , puisque des pourparlers sont engagés en ce sens avec Cosme II de Médicis, qui oppose une fin de non-recevoir. En apprenant la démarche initiée par son fils aîné, la reine mère tombe malade.
Luynes connaît la sensibilité de Louis XIII et veut avant tout se garantir des conséquences d’un mouvement de compassion toujours possible. À la fin de l’été 1618, le père Arnoux se rend auprès de la reine mère pour l’assurer de l’affection de son fils, mais aussi pour obtenir un renoncement formel à toute rébellion. Le révérend père jésuite abrite cette exigence derrière un argument simple : au cas où Marie de Médicis reviendrait à Paris , Louis XIII serait dans l’obligation de libérer Condé. La reine n’est pas sans ignorer que tout nouvel antagonisme avec Monsieur le Prince serait désastreux pour l’État. La démarche, bien que peu flatteuse pour Marie de Médicis, a la vertu de lui rendre l’espoir de pouvoir regagner le Louvre dans un avenir proche. La reine mère promet tout ce qui est exigé
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