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Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Remi Waterhouse
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maison. Le jeune homme, en bras de chemise, s’essuya le front et s’appuya sur sa faux pour observer la voiture. On n’aurait pas pu douter, en le voyant faire ce geste machinal, qu’il ne fût un faucheur appointé.
    La voiture était celle d’un seigneur soucieux de représentation, même si l’on avait modifié son système d’attelage d’origine à quatre chevaux pour des brancards plus courts à deux chevaux. La caisse, peinte en bleu laqué, portait des armoiries rouge et or sur les portières.
    Une jeune femme descendit sans aide, le cocher étant occupé à dessangler les bagages arrimés à l’arrière. À ses gestes vus et amples, sans mignardise, l’inconnue rappela à Ponceludon les très jeunes femmes dé sa campagne. Qu’elle fût d’une haute naissance n’était pas douteux, mais elle semblait ignorer sa beauté. Nulle science dans ses poses, aucune des mille grâces qui masquaient la nature chez les femmes de la cour.
    Ponceludon lâcha sa faux et fit un pas dans sa direction, mais elle l’arrêta d’un geste de la main, sans lui adresser un regard. Il s’immobilisa sans reprendre son travail, spectateur sans vergogne du joli tableau. La jeune personne, vêtue d’une robe bouton-d'or s’ouvrant sur la jupe bleu ciel, n’avait pas vingt ans. Un chapeau de paille à bords étroits laissait la masse de ses cheveux noirs apparaître, un châle de soie blanche couvrait son décolleté. Ponceludon fut frappé par ses bras musclés et juvéniles, très hâlés pour une femme de qualité.
    Elle tendit sa main à baiser à un homme dont Ponceludon n’aperçut que les doigts bagués et la perruque poudrée, en raison de la portière qui le masquait. Quelques mots furent échangés à mi-voix. Les bagages déposés, le cocher regagna son perchoir et mit les chevaux au trot pour faire le tour de la maison et reprendre l’allée dans l’autre sens. La jeune femme demeurait, seule au milieu de ses bagages, droite et digne. Son port de tête était celui d’une reine vierge habituée à être obéie, et cette disposition morphologique touchait Ponceludon par-dessus tout, lui qui venait d’un pays où les têtes, trop lourdes pour les tiges humaines débiles, s’inclinaient vers l’avant et regardaient la terre. La voyant immobile, les yeux perdus dans le vague, le jeune homme se crut autorisé à lui venir en aide, et s’approcha d’elle.
    De la cabane du fond du jardin venait une plainte étouffée et hachée, et c’était cette plainte qui faisait tendre l’oreille à la jeune beauté. Depuis deux heures que cette triste rumeur avait bercé son travail, il ne l’entendait plus, mais la jeune femme n’écoutait que cela. Ponceludon prit l’air enjoué de ceux dont la vie dépend d’un moment de sang-froid :
    — M. de Bellegarde est à la rivière. Voulez-vous que je prenne soin de vos bagages et que je le fasse prévenir ?
    Mais la jeune personne demeurait le sourcil froncé et n’écoutait que la voix inarticulée, lointaine et lamentable.
    — Mon Dieu, c’est Paul ? On lui a encore entravé les mains ?
    Les pires craintes du jeune homme ne lui avaient pas laissé imaginer une conversation aussi mal engagée. Il n’avait plus de mots.
    — Je n’approuve pas ces punitions que mon père lui inflige.
    C’était donc Mathilde ! Et nul moyen de contourner l’obstacle !
    — Votre père n’agit que pour son bien.
    Ponceludon n’avait pas cru pouvoir l’emporter par un argument aussi ténu, mais il pensait par cette dérobade signifier à la jeune femme que le sujet heurtait sa pudeur. Mathilde n’eut pas la délicatesse de le comprendre et le fixait de ses grands yeux bruns décidés où scintillaient des paillettes émeraude.
    — Paul ignore où est le mal. Il ne recherche que la satisfaction de la nature.
    — Mademoiselle... cette pratique funeste ruinera sa santé, si on ne la corrige pas.
    Considérant, après cet effort, qu’il en était quitte d’un débat qu’il lui répugnait d’avoir avec une jeune fille, Ponceludon lui tendit galamment son bras.
    — Avez-vous fait bon voyage ?
    — Je suis gouvernante, et je n’ai pas remarqué d’altération dans la santé des enfants qui s’y livrent, insista-t-elle avec aplomb.
    Elle le dévisageait toujours, pleine de certitudes objectives. Ponceludon sentit que cet entêtement indécent était finalement plus niais que grossier, et sa gêne fit place à de l’agacement.
    — Avec les années,

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