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Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Remi Waterhouse
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emmêlés.
    — Le garde, là-bas. Il nous observe.
    — Évidemment, ironisa Ponceludon. Ici c’est une promenade d’amoureux. Notre froideur se remarque.
    Mathilde refusait d’accorder à l’ironie, qu’elle reconnaissait plus à la musique qu’aux paroles, quelque privilège que ce fût. Aussi s’ingéniait-elle à répondre à la lettre aux paroles de Ponceludon quand il pinçait cette corde.
    — Eh bien, prenez l’air amoureux !
    Ponceludon n’en persévéra pas moins dans l’ironie, car il en avait naturellement la pente. Au point qu’il avait du mal à quitter ce registre, soit que l’on considérât gravement un sujet somme toute bénin à ses yeux, soit que l’on mît sa pudeur à mal. Enjôleur, il inclina la tête vers Mathilde avec des grâces bouffonnes.
    — Mathilde, dit-il d’une voix flûtée, imaginez vos plus belles années auprès d’un vieillard concupiscent.
    De loin, le traîne-sabre qui veillait sur les précieuses plates-bandes du roi crut voir un galant exécutant sa parade auprès d’une indifférente.
    — C’est un homme très instruit des sciences. Nous avons de charmantes conversations.
    — À force d’entretiens savants sur la génération, peut-être aurez-vous des enfants.
    Mathilde n’avait jamais partagé l’engouement de son père pour les arabesques de la conversation. Elle aimait qu’on parlât sans détour, et ce genre d’énoncé absurde que son père appelait « plaisant paradoxe » ne faisait qu’éprouver sa patience.
    — J’ai mieux à faire que des enfants !
    Elle s’arrêta dans sa marche pour soutenir son regard.
    — Pas vous ?
    — J’essaie d’empêcher ceux qui vivent de mourir, répondit gravement Grégoire.
    À ce moment précis ; leurs dispositions l’un envers l’autre s’étaient retournées comme une voile lors d’un brusque changement d’amure, et ils se trouvèrent liés l’espace d’un instant par l’estime réciproque la plus profonde. Ponceludon n’avait plus un sourire en coin, Mathilde son regard de Jeanne d’Arc en armure.
    Troublée, elle reprit sa marche régulière le long du massif, et le jeune homme lui emboîta le pas.
    — Vous faites fausse route, dit-elle. Les salons de Versailles ne peuvent pas sauver des enfants. Parce qu’un arbre pourri ne peut pas donner de beaux fruits.
    Le verdict était si abrupt que le jeune homme ne pouvait s’y arrêter. Mathilde ignorait l’art d’arrondir ses paroles pour qu’on pût les entendre.
    — Avez-vous fini de butiner ? dit-il, faussement badin.
    — Presque.
    Ils firent quelques pas en silence, puis :
    — Vous me croyez sans coeur, n’est-ce pas ?
    — Vous êtes jeune, répondit Ponceludon. À votre âge, on croit n’avoir besoin de personne.
    De même que Mathilde ne reconnaissait pas l’ironie, elle croyait parfois la repérer dans les paroles les plus sincères, comme certains sourds imaginent que l’on parle dans leur dos. Son coeur qui s’était entrouvert pendant ces quelques pas, se referma sous l’effet de cette causticité imaginaire. Elle retira brusquement le bord de sa robe du massif.
    — La récolte est bonne. Nous pouvons rentrer.
    Les deux jeunes gens quittèrent leur trajet tracé, et hâtèrent le pas vers la grille du parc. Mathilde était attentive à maintenir sa robe au-dessus du sol pour ne pas perdre le précieux pollen.
    Ils prirent une voiture de louage qui les déposa au bord de la route, Mathilde toujours serrant les pans de la jupe comme s’ils eussent contenu des pièces d’or. Dans l’allée, elle ôta ses souliers et remonta sa jupe au-dessus du genou pour courir plus à son aise.
    — Vous me faites penser à une petite abeille qui transporte son pollen ! cria Poriceludon, véritable  : ment charmé par le tableau, courant derrière la jeune fille.
    Ils arrivèrent à bout de souffle à la serre, pris d’un fou rire qui les empêchait de reprendre leur respiration. Si Mathilde avait tourné toute son ardeur et sa conviction vers ses rêves botaniques sous-marins et leur avait sacrifié son existence sans regret aucun, elle avait aussi l’appétit de vivre propre à son âge, le besoin de rire, de courir, de se laisser tomber dans l’herbe, hors d’haleine. La vie parfois reprenait ses droits, sans prévenir, au détour d’un chemin bourdonnant d’insectes.
    Ils entrèrent dans la serre, encore hoquetants de rire. Leurs visages étaient éclairés de sueur. Reprenant son calme,

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