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Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Remi Waterhouse
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était seul, la comtesse étant admise sans avoir à passer par le salon de Vulcain. Le baron de Guéret, profondément endormi, avait le buste affaissé contre le mur. Sa respiration sifflante et régulière soulevait sa cravate de dentelles flétries.
    — Je serai bien seul quand elle s’en ira, soupira Bellegarde, à l’adresse de son protégé. Et vous ? Vous n’avez pas un joli parti qui vous attend ?
    — Je n’ai pas de fortune... qu’ai-je à faire partager ? Le combat d’un campagnard contre la fièvre des marais ? Belle vie pour une jeune femme !
    — Seule une femme nous rend heureux, dit Bellegarde, mélancolique. Et pour elle, les larmes d’un homme ne sont jamais ridicules.
    Bien que sa nature démonstrative, dans l’intimité, ne le portât pas à la réserve, le marquis n’avait
    jamais fait la moindre allusion à son épouse. Il semblait que ce fût la seule part de mystère d’un homme dont la pente naturelle était de n’en avoir pas — bien que sa science des salons lui eût appris la réserve, ou, plus exactement, la prudence.
    Bellegarde semblait chercher quelque chose du regard dans les abondantes moulures du trumeau, au-dessus de la cheminée.
    — À gauche de la moulure de droite, sous la grappe de raisin, murmura-t-il comme un conspirateur. Jetez-y un oeil à la dérobée. Le roi nous choisit.
    Ponceludon put distinguer un oeil qui luisait parmi les fruits d’automne en stuc, et promenait sa prunelle de gauche à droite.
    Les « soupers dans les cabinets », et les réceptions d’ambassadeurs étaient fréquentés par des habitués de rang princier, des intimes, ou par ceux que les devoirs de leur charge désignaient pour y assister. Mais l’étiquette, qui était peu sujette à variations, s’était réglée sur le contingent le plus élevé d’invités, de sorte qu’on devait souvent remplir les places vacantes. Nombreux étaient ceux que cette occasion d’approcher le roi alléchaient, de sorte que celui-ci n’avait que l’embarras du choix. On avait eu l’idée du cérémonial du salon de Vulcain, pour que le souverain puisse choisir parmi les courtisans postulant ceux dont les brillances lui étaient agréables, comme la reine choisissait entre les plumes de paon que lui présentait sa modiste. Entendre son nom appelé au terme de cette attente humiliante s’appelait « être prié ».
    — Pensez-vous que nous avons une chance ?
    — Chut ! Parlez plus bas ! L’usage est d’ignorer qu’on nous observe. Si votre regard croise celui du roi, vos chances sont réduites à néant. Certains viennent ici depuis des mois, en vain... Comme le baron de Guéret.
    Guéret dormait toujours, mais la banquette s’était dépeuplée autour de lui. Les courtisans, dans leur peur superstitieuse du ridicule, ne désiraient pas s’approcher d’un homme dont la réputation aurait pu les contaminer.
    — Je préfère mes marais putrides à cet abaissement, grogna Ponceludon.
    — « Le sien est entre les jambes du vôtre » a reçu un commentaire élogieux du comte d’Artois...
    — Vous croyez que cela suffira ?
    — Malheureusement, soupira le marquis, « le sérail à l’eunuque » est sur toutes les lèvres.
    Soudain, une petite porte s’ouvrit et les conversations cessèrent, on rectifia les positions. Un huissier s’avança sur le seuil, un papier à la main, puis énuméra d’une voix solennelle :
    — Madame de Ferrasse... Madame de Blancfagot... Monsieur de Tilly... Monsieur de Bouchardol d’Aiguillère... Monsieur de Larousseur... Monseigneur d’Artimont...
    Les « priés » se levaient, saluaient la compagnie et disparaissaient par la petite porte. L’appel continuait.
    — L’abbé de Vilecourt... Monsieur de Ponceludon de Malavoy...
    À l’énoncé du nom de son disciple, Bellegarde réprima un cri de joie, et saisit la manche de son compagnon.
    — Maintenant l’erreur ne vous est plus permise...
    Ponceludon se leva, passa la porte, et disparut aux yeux de son ami au fond du long couloir qui menait à la clarté, aux honneurs de la cour. Le marquis se souvenait d’avoir lui-même connu ce glorieux corridor des appelés. C’était peu de temps après la naissance de Mathilde, sous le règne du feu roi. Il n’avait jamais pu renouveler l’exploit et, son esprit allant diminuant toujours, il n’espérait plus.
    L’abbé de Vilecourt s’était arrêté devant Guéret que l’agitation n’avait pas sorti de son

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