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Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Remi Waterhouse
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relief à la montagne !
    Les valets s’apprêtaient à déposer les soupières sur la table, quand Vilecourt arrêta leur geste.
    — Attendez ! M. Ponceludon de Malavoy n’a pas parlé !
    Rappelé à la réalité, Ponceludon se redressa et prononça d’une voix étranglée la première phrase que rappelait à sa mémoire le mot « esprit » :
    — L’esprit est comme l’argent, moins on en a, plus on est satisfait, lâcha-t-il tout à trac, comme ça lui venait.
    Le pied de la comtesse quitta brusquement l’entrejambe de Ponceludon pour réintégrer agilement son soulier. Un silence gênant suivit cette déclaration. L’abbé, sourcils froncés, singeait la plus grande perplexité.
    — « L’esprit est le contraire de l’argent, rectifia Mme de Blayac, moins on en a, plus on est satisfait. » Et elle ajouta : Voltaire ! Il est préférable de comprendre ceux qu’on pille.
    Quand les valets eurent posé les lourdes soupières d’argent sur la table, elle proclama joyeuse :
    — La joute est terminée !
    Tous les regards avaient convergé vers le sacrifié, comme pour le bouter hors du salon. La méchanceté froide, absolue et brutale qui se concentrait sur Ponceludon était l’avers d’un triste pourboire dont le revers honteux était le lâche soulagement général. Le jeune homme sut qu’il était perdu. Il avait repris tout son sang-froid et n’était pas le dernier à s’amuser de sa mésaventure. Il se leva sans hâte, ne quittant pas des yeux la comtesse.
    — J’ai grand faim, dit-il sans emphase, presque avec douceur. Faites-moi servir en cuisine, avec les valets, je vous prie.
    — Sachez qu’on juge un homme à ses fréquentations ! déclara hautement d’Artimont.
    — On a tort, monseigneur, repartit l’ingénieur, toujours fixant son regard sur Mme de Blayac. Judas avait d’excellentes fréquentations.
    Il s’inclina et suivit le valet vers les cuisines, laissant les douze commensaux accablés par son mot souverain.
    — « Judas avait d’excellentes fréquentations », répéta pensivement l’évêque en hochant la tête.
    Voilà bien le meilleur mot du lot !
    — Trop tard ! trop tard ! glapit le chevalier de Saint-Tronchain.
    La comtesse souriait, rêveuse, vaguement fière de sa victime, car c’est à ses adversaires qu’on mesure sa propre valeur.
    Le prochain mariage de Mathîlde, le ridicule dont les flèches l’avaient percé et la mort de Guéret qui pesait sur sa conscience, tout cela hantait Ponceludon. Il revint chez son bienfaiteur avec une certitude : il devait s’en retourner chez lui au plus vite. Le jeune homme trouva le physiologiste dans sa bibliothèque, assis en robe de chambre à sa table de travail, la tête au-dessus d’une bassine et recouverte d’un torchon. Une odeur d’officine d’apothicaire flottait dans l’air moite, des herbes séchées étaient éparpillées au milieu des livres. En entendant son ami entrer, le marquis ôta son torchon de sur sa tête, rouge et ruisselant d’avoir pris une inhalation, les cheveux collés sur le front. Un nuage de vapeur s’élevait de la bassine à demi remplie d’une décoction verdâtre.
    — Ah, Ponceludon ! claironna Bellegarde, ses yeux brillants d’une exaltation maladive. Ces herbes des Amériques stimulent les flux des tourbillons électriques du cerveau. Soyez assez aimable pour me faire la conversation, et vous constaterez que
    mon esprit sécrète les bons mots, comme le foie la bile !
    — Monsieur, je pars demain. Je retourne en Dombes.
    Le marquis parut réfléchir un instant.
    — « Je pars demain. Je retourne en Dombes » n’offre pas un terrain favorable à l’éclosion d’un mot d’esprit. Faites-moi, je vous prie, une conversation plus abondante.
    Pour la première fois, Ponceludon fut pris de compassion pour son ami. Hormis les princes de sang et ceux que leur service y retenait, personne n’aurait eu l’idée de rester à Versailles sans quelque gratification à arracher. Quelle passion taraudait cet homme qui, n’ayant plus rien à gagner, séjournait à la cour pour y collectionner des étincelles ? Il lui posa la main sur l’épaule.
    — Vous devriez dormir. Je suis moi-même fatigué, et cette odeur me donne mal à la tête.
    — C’est que vous avez la tête trop près du nez ! repartit le marquis en bondissant sur son encrier pour prendre en note ce qu’il venait de concevoir. « La tête trop près du nez ! » Ce mot est

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