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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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De cet antique bâtiment aux murs épais, dont on disait qu’il servait, vers le milieu du xiii e  siècle, à alimenter en farine l’hospice tenu par un ermite, censé être le premier aubergiste de Lausanne, Axel voulait faire une thébaïde à l’abri de la surveillance des commères veveysannes.
     
    Rue de Bourg, à la veillée, il aimait entendre sa mère et Flora rappeler les souvenirs de sa grand-tante Mathilde dont la mort l’avait trop tôt privé. Adulte, il eût voulu la mieux connaître, apprécier l’intelligence, le raffinement, les connaissances de cette femme exceptionnelle. « On peut dire qu’elle, au moins, elle a vécu », reconnaissait Flora Baldini, ce qui sous-entendait chez l’Italienne autant d’envies inavouables que de vertueuse désapprobation. Or l’image de Mathilde qui s’imposait à Axel était celle d’une morte, allongée sur un grand lit à baldaquin, la tête bandée, les yeux cernés de violet, qu’il avait eu le soudain courage d’embrasser. Le souvenir de cette chair froide sur ses lèvres d’enfant le troublait encore. Il pouvait même retrouver la sensation éprouvée à l’époque, une sorte de tressaillement interne spontané et incontrôlable, symptôme d’une répulsion dominée. Cette tante, un peu mystérieuse, avait appris à Charlotte ces choses de la vie que ni les mères ni les maîtres ni les amies n’enseignent aux jeunes filles. De la même façon, Mathilde eût beaucoup apporté à Axel pendant son adolescence, âge où l’on est avide de connaissances et curieux de tout ce que dissimulent les adultes. Aussi Axel questionnait-il souvent sa mère pour parfaire le portrait de la défunte M lle  Rudmeyer, dont la bonne société lausannoise chantait encore les louanges.
     
    Charlotte racontait à son fils ce qu’avait été autrefois, à la fin du siècle passé, dans les années 80-90, le cercle des jeunes filles de Lausanne nommé Société du Printemps, que fréquentait Mathilde. On y recevait, entre autres célébrités, l’écrivain anglais Edward Gibbon, qui achevait son œuvre magistrale : Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain . Lord Sheffield avait, en 1796, publié les Mémoires de Gibbon, où on lisait des pages flatteuses pour le pays de Vaud. Ouvrant ce livre, classé dans la bibliothèque de sa grand-tante, Axel y avait trouvé deux lettres familières de Gibbon. Adressées à M lle  Rudmeyer, elles étaient toutes deux datées de Londres, l’une écrite en juin, l’autre en décembre 1793, soit un mois avant la mort de l’écrivain.
     
    Charlotte donnait à entendre qu’un autre invité de la Société du Printemps, le prince Louis de Wurtemberg, exilé au pays de Vaud après de nombreux déboires consécutifs à sa vie dissolue, avait courtisé Mathilde. Ce viveur terminait sa vie près de Mayence, en proie à un mysticisme compensatoire ! Holroyd, un ancien capitaine des Gardes forestiers du roi d’Angleterre, avait aussi figuré parmi les soupirants de M lle  Rudmeyer, « de qui le cœur était pris par une passion secrète dont seuls les murs du moulin sur la Vuachère connaissent l’intensité », avait un soir révélé l’ex-M me Métaz, donnant à son fils le désir d’en savoir plus.
     

    Les conversations, au cours des premières semaines de 1824, aboutissaient toujours à une évocation de Blaise de Fontsalte. Une lettre, vieille de deux mois, arriva rue de Bourg en février. Le général annonçait son installation à Missolonghi, petite ville lagunaire sur le golfe de Patras, dont le prince Mavrocordato, venu d’Hydra, voulait faire une base d’attaque contre les Turcs.
     
    Blaise écrivait : « Nous attendons les vivres, les munitions et un mécanicien, que le comité grec de Londres a promis. Il n’a envoyé à ce jour que des trompettes pour sonner la charge, un prêcheur anglican, chargé de convertir les Grecs, et un colonel, qui trouve urgent de préparer une Constitution pour la Grèce future, alors qu’il convient d’abord de faire la guerre ! Le plus raisonnable des Anglais présents me paraît être lord Byron, qui dépense une fortune pour payer des mercenaires souliotes fort indisciplinés, après avoir donné quatre mille livres sterling pour régler la solde des équipages de la flotte grecque ! Le poète cher à Axel s’habille en pêcheur quand il n’arbore pas un superbe uniforme rouge. La seule fois où je l’ai approché, il m’a paru

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