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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Vevey.
     

    Cette année-là, les vendanges furent médiocres et Simon Blanchod émit des doutes sur la qualité du vin qui coulerait du pressoir. Pour Axel, cette récolte fut cependant exceptionnelle. Sa mère et Blaise, M. et M me  de Fontsalte, assistèrent pour la première fois au ressat qui clôture traditionnellement le ramassage du raisin.
     
    Pendant toute la soirée, le principal sujet de conversation, hormis les considérations climatiques responsables d’une pauvre récolte, porta sur le changement de souverain que la mort venait d’imposer à la France. Le roi Louis XVIII était mort le 16 septembre, après une épouvantable agonie, courageusement supportée par cet homme qui valait mieux que la caricature répandue depuis 1815 par ses opposants. Son frère, le comte d’Artois, venait d’accéder au trône, sous le nom de Charles X.
     
    Le nouveau roi de France, âgé de soixante-sept ans, passait pour un dandy, étourdi et dénué de sens politique. Jouisseur repenti, encore avide de plaisirs, mais inquiet pour son salut, ce gentilhomme sur le retour, qui possédait autant de paires de chaussures que l’année compte de jours, paraissait attaché, sans nuance, à la monarchie telle qu’il l’avait connue avant 1789. Charlotte se souvenait que sa défunte tante Mathilde Rudmeyer, le rencontrant chez M me  de Staël, à Coppet, en 1790, l’avait trouvé bel homme, maniéré et plutôt mièvre.
     
    Les convives, qui s’intéressaient aux affaires françaises, lesquelles influençaient toujours celles de la Suisse romande, ne se privèrent pas d’interroger le général Fontsalte. Blaise corrigea un peu les propos entendus, en expliquant que les intimes du comte d’Artois lui trouvaient souvent une ressemblance avec Louis XV le Bien-Aimé, son grand-père. Comme le grand roi, le nouveau souverain était amateur de femmes, de jeu, de chasse, de beaux habits, mais ne manquait ni d’intelligence ni de subtilité, bien que son éducation eût été négligée. Les mauvaises langues affirmaient qu’il ne lisait jamais que les journaux, se délectait d’anecdotes grivoises, se plaisait dans la compagnie des comédiennes et des filles faciles, dont une mulâtresse de qui il avait fait la fortune. En tant qu’officier général de l’Empire, Blaise lui reprochait, avec d’autres patriotes, d’avoir porté les armes contre la France, au côté des Prussiens, et, cela, sans panache ni courage.
     
    – En 1815, il approuva et soutint la Terreur blanche. Il continue à détester et à faire rechercher les bonapartistes. Il finance la trop fameuse société secrète des Chevaliers de la foi, composée d’anti-révolutionnaires chargés de pourchasser, jusqu’en Suisse, les carbonari et les francs-maçons. Quant à son fils, le dauphin Louis-Antoine, duc d’Angoulême, gringalet plein de tics et de vanité, qui osa s’habiller en général anglais en 1814, il vient, après une expédition sans mérite et sans gloire, de rétablir son cousin, le despote Ferdinand VII, sur le trône d’Espagne, acheva Blaise.
     
    – On dit cependant le duc d’Angoulême libéral, influencé par ce qu’il a vu et appris en Angleterre, risqua le pasteur.
     
    – Ce n’est qu’une attitude. Jamais il ne s’opposera à son père, jamais il ne critiquera la monarchie, quoi qu’elle fasse, Monsieur le Pasteur. Comment pourrait-il en être autrement ! Il a épousé Marie-Thérèse, Madame Royale, la fille rescapée de Louis XVI, qui passa trois ans au Temple et fut échangée contre les commissaires de la Convention que le traître Dumouriez, qui vient de mourir en Angleterre, avait livrés aux Autrichiens.
     
    Tout au long de la soirée, Chantenoz et Axel trouvèrent savoureux le voisinage à table du pasteur et du curé d’Échallens, invité par Charlotte. Quand la curiosité des Veveysans, qui avaient découvert avec des sentiments mitigés le général aux yeux vairons, fut un peu émoussée, Axel crut bon de donner à quelques convives des informations sur le sort de Guillaume, dont personne, bien sûr, n’osait évoquer le souvenir en présence du couple Fontsalte.
     
    Dans sa dernière lettre, parvenue à Vevey quelques jours plus tôt, M. Métaz faisait part à son héritier de sa réussite en affaires et du bonheur que lui procurait son nouveau foyer. Il ajoutait que sa jeune femme allait bientôt donner un frère, ou une sœur, à la petite Johanna Caroline qui, à dix-huit mois,

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