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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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leur chapelle à une lieue d’ici, et tu verras saint Pertinent, ou du moins ce qu’il en reste ! Maintenant, j’ai froid. Il n’y a qu’au lit que je me réchaufferai… avec toi !
     

    Un franc soleil d’hiver transformait en cônes de cristal les grands sapins givrés quand Axel se leva pour jeter un regard par la minuscule fenêtre qui éclairait chichement la chambre. La neige recouvrait les montagnes environnantes et, sous le ciel bleu pastel, toutes les défiances de la nuit semblaient dissipées. Koriska n’était plus qu’un vieux château échoué, tel un vaisseau de pierre, dans le somptueux décor des Carpates Blanches.
     
    Adrienne, déjà vêtue, croquait des biscuits en buvant du thé. Une jupe de feutrine noire à godets, agrémentée dans le bas d’une frise rouge et or, une veste à brandebourgs, ouverte sur une blouse à jabot de dentelle, et des bottes rouges, de cuir souple, restituaient à la Tsigane l’aspect d’une élégante Moldave. Sur le lit gisaient deux grands manteaux de loup.
     
    – Comment peux-tu dormir autant ? Depuis plus d’une heure j’attends ton réveil, dit Adrienne en l’embrassant.
     
    – Bonne conscience, bon somme, dit Axel en s’emparant de la tasse de thé que la jeune femme avait posée sur le guéridon.
     
    – Mange vite et habille-toi. Lazlo va nous conduire en traîneau au cloître de saint Pertinent.
     
    Axel obtempéra, tout au plaisir de la découverte et prêt à se fustiger pour avoir eu la veille des craintes puériles.
     
    Au moment de partir, Adrienne l’invita à passer une des fourrures et à coiffer la chapka assortie.
     
    – C’est un manteau de femme, bien sûr, car il n’y a aucun vêtement d’homme au château. Mais j’ai emprunté, pour toi, la fourrure d’une grosse cousine. Il gèle fort ce matin.
     
    Axel, bien que grand et charpenté, se trouva à l’aise dans le manteau d’emprunt. Une fois coiffé, il tint absolument à se contempler dans la psyché.
     
    – Je me sens tsigane, Adry. Il ne me reste plus qu’à apprendre à dire la bonne aventure et à tresser des paniers !
     
    – Ne confonds pas, je te prie, les nobles Zigeuner avec les romanichels que tu as pu croiser dans les campagnes suisses ! dit avec un peu d’humeur la fille du Bulebassa.
     
    Lazlo, toujours aussi rustre, indiqua d’un vague signe de tête qu’il reconnaissait Axel. Il tendit à Adrienne un gros manchon d’ourson et la troïka s’élança sur la neige vierge à travers un parc dont Axel n’avait pu, la veille, soupçonner l’existence. Le mur d’enceinte, expliqua Adrienne, courait sur deux lieues et marquait les limites du domaine. Au long de l’allée suivie par le traîneau, entre pelouse et bosquets couverts d’une mince couche blanche, se dressaient, tous les cent pas, des statues, dont Axel voulut savoir ce qu’elles représentaient.
     
    – Elles ont été sculptées par Bernard Braun, entre 1720 et 1730. Ce sont des allégories de tous les péchés que l’homme peut commettre. On compte une cinquantaine de statues, mais ma mère dit que tous les péchés ne sont pas représentés, dit Adrienne en riant.
     
    – J’aimerais voir l’inceste, par exemple, suggéra Axel, se forçant au sérieux.
     
    – Ce péché n’existe plus. Lors de mon dernier séjour, j’ai fait abattre la statue grotesque qui le représentait, dit Adrienne avec autorité.
     
    Comme Métaz posait sans cesse des questions sur le château et ses occupants, Adriana tenta de satisfaire sa curiosité. Elle prit le ton du guide pour touristes.
     
    – Ce château baroque appartenait autrefois à un noble protecteur des Tsiganes, dont il aimait entendre les musiques et les chants. Parce qu’il avait épousé une des Zigeuner, mon arrière-grand-mère, il fut mis au ban de la noblesse et s’enferma à Koriska, cultivant de superbes jardins, chassant le cerf, le loup et l’ours, lisant dans sa bibliothèque, qui comptait cinquante mille volumes. Le domaine comportait déjà un monastère, un hospice et une église consacrée à saint Pertinent. Les premiers moines, peu nombreux et tout dévoués au châtelain, cachaient les Tsiganes pourchassés, aussi bien par les autorités que par les paysans. Ainsi s’éveillèrent, parmi les Zigeuner, des vocations religieuses, si bien qu’aujourd’hui beaucoup de Tsiganes sont devenus moines.
     
    Le traîneau s’étant arrêté devant une chapelle, dont le parvis avait été

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