Rive-Reine
furieux, frappa Duval avec son chasse-mouches et le fit jeter dehors, comme un domestique indélicat !
– Le procédé n’a rien de diplomatique et mérite punition, reconnut Axel.
– Qu’attendre de Charles X, cet amateur d’éloges décernés par des polygraphes stipendiés ! Cet étourdi n’a rien compris à notre époque et croit que Dieu a donné la France aux Bourbons ! Il posera en soupirant l’injure algérienne « au pied de la croix », où ce bigot place, dit-on, tout ce qui le gêne, et laissera à son céleste cousin le soin de venger l’honneur de la France, dont le peuple l’a fait, un peu légèrement, dépositaire ! répliqua rageusement Blaise.
Quand Ribeyre annonça, quelques jours plus tard, que Villèle refusait à Clermont-Tonnerre, ministre de la Guerre, l’autorisation de monter une expédition militaire contre Alger, et acceptait seulement d’envoyer la flotte organiser le blocus de la ville, les deux généraux estimèrent la mesure fanfaronne et inefficace.
Les événements leur donnèrent raison. Le 15 juin, un mois et demi après le geste trivial du chef de la Régence, le consul de France et les quelques familles françaises résidant à Alger embarquèrent sur une goélette protégée par les canons de la flotte pointés sur la ville blanche.
Blaise de Fontsalte vit dans cette évacuation sans attaque une nouvelle dérobade.
– Dire qu’il aura fallu un mois et demi pour rompre les relations diplomatiques avec ce pacha vaniteux et retors ! Et, quant aux suites à donner à l’affaire, que fera Villèle ? dit-il, interrogeant Ribeyre, récemment revenu de Paris.
– Quant aux suites à donner à cette affaire, très humiliante pour la France, mon cher, sache que le gouvernement de M. Villèle n’enverra pas au dey l’armée qui ne demande qu’à débarquer, mais une note ! Une de ces pompeuses et inutiles rodomontades dont les diplomates couards ont le secret ! conclut le général.
Ce soir-là, Axel regagna Vevey, persuadé que les deux compagnons d’armes étaient prêts à reprendre du service « pour aller corriger le dey et lui faire manger son chasse-mouches ! » comme se le promettait l’adjudant Trévotte, autre patriote intransigeant.
La flotte française ne s’illustra pas, cette année-là, devant Alger, mais elle participa, d’une façon déterminante, à la bataille de Navarin, première intervention des nations européennes enfin convaincues de la nécessité d’assurer à la Grèce indépendance et sécurité. En signant, le 6 juillet à Londres, un traité destiné à intimider Turcs et Égyptiens, qui se croyaient maîtres de la région, l’Angleterre, la France et la Russie entendaient mettre fin à une guerre commencée cinq ans plus tôt. C’est en pleine période des vendanges que l’on apprit, à Vevey, la victoire écrasante, le 20 octobre, de la flotte alliée sur les flottes turque et égyptienne. En trois heures, vingt-six navires français, anglais et russes avaient coulé soixante-quatre vaisseaux ennemis, faisant six mille morts chez l’adversaire et ne perdant que cent soixante-dix-sept hommes.
Comme devait le faire remarquer Pierre-Antoine Laviron, invité avec sa famille par Axel Métaz pour le ressat des vendanges, cette tardive intervention libératrice des Européens ne résolvait pas les difficultés que connaissait encore un peuple tiraillé entre des factions politiques rivales. Des chefs de bande, un moment unis dans le combat commun contre l’envahisseur, mais dépourvus de toute connaissance administrative et économique, certains ne sachant ni lire ni écrire, entendaient bien obtenir des sinécures. En attendant, ils s’arrogeaient le droit de faire commerce des denrées, des armes et des objets de première nécessité expédiés par les Européens au grand cœur !
Bien que les Hellènes aient spontanément choisi Capo d’Istria, l’ami des Suisses, comme président, le gouvernement grec restait sans ressources propres et l’aide aux populations ne devait pas cesser avant que paysans et citadins aient relevé les ruines accumulées et se soient remis au travail.
– Les Grecs peuvent encore compter sur Jean-Gabriel Eynard, cet infatigable Genevois qui a largement contribué à l’accord des puissances en faisant démarches sur démarches auprès de tous les gouvernements, surtout auprès de ses amis Canning, le duc d’Orléans,
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