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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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d’argent ?
     
    – Non.
     
    – Pour une affaire d’honneur ?
     
    – Non.
     
    – Pour une affaire d’amour ?
     
    – Non.
     
    – Peut-être êtes-vous un espion ?
     
    – Non ! dit Axel en riant.
     
    – C’est agaçant ! Ai-je une chance de deviner ce qui vous amène ?
     
    – Non, fit Axel, péremptoire, certain que la vraie raison de sa présence à Venise ne pouvait être imaginée.
     
    – Alors, je donne ma langue au chat et réclame un baiser.
     
    Sur ces mots, la curieuse souleva sa bauta et tendit ses lèvres. Axel les prit, fraîches et douces. Ce fut la première manifestation d’une attirance réciproque et incontrôlée. La valse suivante se termina par un enlacement qui n’avait rien de chorégraphique. On dansait depuis plusieurs heures et des couples s’éclipsaient, à la recherche d’une intimité favorable aux épanchements dont il était aisé de deviner la nature. Axel tenta d’apercevoir le comte Malorsi, qui avait disparu. La cavalière d’Axel prit le jeune homme aux épaules.
     
    – M’accompagnerez-vous chez moi si je vous le demande ? La princesse a dû vous faire savoir que, cette nuit, l’homme-esclave ne peut rien refuser à sa dame-tortionnaire, mais j’aime trop la liberté pour imposer ce qui peut ne pas plaire. Vous pouvez donc répondre « non » et je rentrerai seule.
     
    – Oui, répondit Axel sans une hésitation, en serrant à deux mains la taille de l’inconnue.
     
    La femme l’entraîna par d’obscurs corridors aux dalles humides, fit ouvrir une porte d’eau, tira un minuscule sifflet de sa ceinture et lança le signal que devaient attendre ses barcaioli 6 . Une gondole aux lanternes voilées, alignée parmi d’autres, se détacha de la rive et vint se ranger devant le couple. L’inconnue donna un ordre au gondolier de poupe et le bateau prit le chemin d’eau.
     
    – J’habite le palais Sentini, nous y serons bientôt, assura la femme en se blottissant frileusement contre son compagnon.
     
    Axel lui passa un bras autour des épaules et l’attira contre lui.
     
    Pendant un instant, il fut en proie à une inquiétude indéfinissable. Cette aventure lui semblait aussi folle qu’irréelle et lui revint à la mémoire la réflexion de Berto, son gondolier, quant à l’affluence des travestis à Venise. S’il allait avoir affaire à l’un d’eux ? Sa main, glissée sous le domino, main qu’on ne repoussa pas, le rassura bientôt. L’inconnue eut un petit rire amusé, dévoila le bas de son visage et offrit sa bouche.
     
    – Voulez-vous que nous fassions un détour par le ponte delle Tette ? murmura-t-elle, moqueuse.
     
    1 La vertu est au milieu, à mi-chemin entre les extrêmes.
     
    2 Hippolyte Taine, Histoire de la littérature anglaise , tome IV, Librairie Hachette, Paris, 1905.
     
    3 Pont des tétons ou, plus familièrement, pont des nénés !
     
    4 Ce fait divers a été rapporté par lord Byron dans une lettre adressée, de Venise, par le poète, le 6 avril 1819, à son ami John Cam Hobhouse. Lord Byron, lettres et journaux intimes , choix et présentation établis par Leslie A. Marchand, éditions Albin Michel, Paris, 1987.
     
    5 Rivière du canton de Vaud, longue de 31 kilomètres. Elle prend sa source près du village de l’Isle, traverse les districts de Cossonay et Morges, se jette dans le lac Léman, entre Saint-Sulpice et Préverenges. Le poète-chansonnier contemporain Gilles (Jean Villard, 1895-1982), fondateur à Paris, en 1947, du cabaret Chez Gilles, a consacré à la Venoge des couplets connus de tous les Vaudois.
     
    6 Gondoliers.
     

3.
     
    Un rai de jour tira Axel Métaz du sommeil. Il ouvrit les yeux et, aussitôt lucide, constata qu’il était seul dans un grand lit. L’inconnue dont il avait partagé l’ivresse charnelle pendant une courte nuit avait disparu. Il ignorait où lui-même se trouvait à cette heure. À la lueur pauvre des torches brandies par deux gardiennes drapées de noir de la tête aux pieds, sœurs des Parques, filles de la Nuit, il n’avait entrevu de cette demeure que la porte d’eau, les corridors et la chambre aux rideaux joints, dont il ne distinguait ni le plafond ni les murs.
     
    Le mouvement qu’il fit pour rejeter le drap exhala le parfum musqué de celle dont, amant aveugle, il ne connaissait, par les mains et les lèvres, que le corps. Qui était cette femme ? Courtisane rouée, patricienne débauchée, soubrette espiègle ?

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