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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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est évident que ce bal fou n’était voulu que pour nous, dit-elle en s’asseyant.
     
    – Voulu par qui ? fit Axel avec humeur.
     
    – Par les puissances souterraines qui gouvernent nos vies à partir des royaumes obscurs, par le destin inconnaissable que le vulgaire nomme hasard, Axou ! Le mal est de refuser ce que la force souveraine de la nature a prévu pour chacun de nous. Les choix du destin sont ambigus et incompréhensibles aux mortels, mais les proies qu’il retient ne peuvent échapper à son emprise, qui a nom fatalité ! Il est vain de résister, Axou !
     
    Axel, éberlué, reçut cet étrange discours avec un sourire figé, manifestation du trouble et de la crainte que lui inspirait cette femme dont le regard, tel un miroir, reflétait le sien. Avait-elle toute sa raison, cette séduisante créature ?
     
    Elle proposa un chocolat fumant, mais il opta pour le café et, à l’invitation d’Adrienne, tira d’une panière couverte de linge fin une brioche tiède. Tout en attaquant avec appétit ce repas bienvenu, le Vaudois se tenait sur une prudente réserve. La baronne von Fernberg entreprit de l’interroger. Elle voulut savoir d’où il venait, qui était sa mère, le nom et le décor de son pays natal, s’il avait des frères ou sœurs et mille autres choses. Entre deux bouchées, Axel Métaz, laconique, livra de lui, avec circonspection, une image banale d’étudiant vaudois destiné à partager, plus tard, son activité entre les vignes et les affaires que lui laisseraient ses parents.
     
    Adry l’écoutait, une lueur tendre dans son œil clair et, Axel le remarqua, un chatoiement incrédule dans l’œil sombre. Il devina que cette femme ne devait pas être dupe du portrait qu’il brossait de lui-même, avec une civilité puérile. Quand elle lui demanda s’il avait déjà eu des maîtresses, il mentit résolument en déclarant qu’il avait, comme tous les étudiants lausannois, partagé la couche de filles d’auberges. Adrienne se mit à rire en proclamant qu’elle ne le croyait pas, étant donné le souvenir très récent qu’elle gardait de son aisance et de sa maîtrise au cours de la nuit.
     
    – Tu es un amant consommé, Axou, et ce ne sont pas les filles d’auberges et les bergères qui t’ont appris à faire vibrer le corps d’une femme avec autant de science, de délicatesse, de subtilité. Tu ne dis pas tout à ta grande sœur, Axou !
     
    Axel se résolut à ajouter qu’il avait été initié aux jeux de l’amour par une Anglaise, de passage à Vevey.
     
    – Pouah ! Une Anglaise ! Elles confondent en général lubricité et volupté ! Et, de surcroît, elles sont vite épuisées, à ce que disent les hommes. Leur sang est comme l’eau de la Tamise ! Là encore, tu ne dis pas tout. Il dut y avoir d’autres initiatrices. Mais garde leur souvenir secret, gentilhomme !
     
    – C’est égal, si j’avais vu plus tôt votre œil vairon, ou si vous aviez remarqué mon regard, nous aurions pu éviter de faire ce que nous avons fait. L’inceste est le pire des péchés. Vous êtes pour moi une femme interdite ! fit Axel avec hargne.
     
    L’hilarité d’Adrienne redoubla. Le rire narquois de cette femme le mettait mal à l’aise. Il quitta la table.
     
    – Votre dérision est déplacée, lança-t-il sèchement.
     
    – Je prends sur moi ce péché et tous ceux que nous commettrons, Axou. Sois rassuré. Et puis, tu ne pouvais pas savoir qui j’étais. Cette ignorance t’absout.
     
    Elle lui tendit la main, avec un sourire qui dilua la résistance d’Axel.
     
    – Viens, encore, dit-elle en l’attirant vers le lit en désordre.
     
    Axel libéra brutalement ses doigts et fit deux pas en arrière.
     
    – Ah ! non ! jamais plus. Ce serait maintenant en toute connaissance de cause que nous pécherions. Je veux quitter cette maison. M’en aller de là, vous oublier !
     
    Mais, au lieu de marcher vers la porte, il se laissa tomber sur le sofa, en proie à une lassitude soudaine. Il avait envie de pleurer, et seul l’orgueil le retint d’en rien faire.
     
    – Le Tasse a écrit : « Comme il est gaspillé, le temps qu’on n’a pas passé en aimant », murmura-t-elle.
     
    Puis elle répéta ces vers avec de plus en plus de force, les répéta encore, en rythmant les syllabes d’une voix de gorge, puissante et modulée. Elle finit par chanter, par hurler la phrase et, soudain, se dressa, ôta sa robe de chambre, puis sa

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