Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
yeux-là ?
     
    – Oui.
     
    – Votre mère ?
     
    – Non.
     
    – Votre père ?
     
    Axel marqua une hésitation puis se résolut à répondre :
     
    – Oui.
     
    La jeune femme se détourna, fit un pas vers la fenêtre, entraînant le garçon avec autorité.
     
    – Voulez-vous voir mes yeux ?
     
    – Euh, oui, dit-il, saisi d’un étrange pressentiment, qu’il ne retint pas.
     
    – Venez là ! ordonna-t-elle encore.
     
    D’un geste nerveux, elle écarta les rideaux et fit face à Axel, qui ne put retenir un mouvement de recul. Les yeux qui le fixaient intensément, entre de longs cils noirs, étaient pareils aux siens. Le regard de cette femme réfléchissait son propre regard. La créature à l’œil vairon qu’il avait tant désiré connaître était devant lui. Comme il demeurait immobile, paralysé par l’émotion, elle lui saisit la tête à deux mains et l’embrassa sur les lèvres avec une tendre brutalité.
     
    Axel se dégagea et se laissa tomber sur le sofa.
     
    – Vous êtes Adrienne de Fontsalte, n’est-ce pas ?
     
    – Ici, je suis la baronne Karl von Fernberg.
     
    – Cette rencontre, madame, je la souhaitais depuis que je suis en Italie. C’est même pour tenter de vous apercevoir que je suis venu à Venise.
     
    Il se tut, comme pour reprendre haleine.
     
    » Nous avons le même père, lança-t-il, et nous avons fait l’amour cette nuit ! Vous êtes ma demi-sœur, par le sang ! Nous avons commis l’inceste, oui, l’inceste, s’écria-t-il en se dressant dans un mouvement de colère.
     
    Elle se mit à rire et à battre des mains, comme si cette constatation était du dernier comique et la réjouissait.
     
    – C’est incroyable et merveilleux. Mon père est bien le général-marquis Blaise de Fontsalte, dont je ne sais pour l’instant ce qu’il est devenu, mais j’ignorais que j’avais un demi-frère ! C’est le plus beau cadeau qu’il m’ait jamais fait ! Un frère, jeune, beau, fort, et comme tous les Fontsalte, sans doute, doué pour l’amour.
     
    – Taisez-vous !
     
    Sans se départir de son air courroucé, Axel acheva de s’habiller.
     
    Elle réprima un frisson et ferma la porte-fenêtre, restée ouverte.
     
    – Le petit matin est toujours frais sur la lagune, dit-elle gravement.
     
    Puis elle traversa la chambre, ouvrit la porte et, dans une langue inconnue d’Axel, donna des ordres à un domestique invisible.
     
    – On va servir une collation, dit-elle.
     
    Puis elle vint prendre le jeune homme par le cou, sans tenir compte d’un semblant de réticence.
     
    – Comment t’appelles-tu ? demanda-t-elle, péremptoire, en usant du tutoiement spontanément adopté dans l’étreinte, mais que le garçon semblait maintenant vouloir ignorer.
     
    – Axel… Axel Métaz. Notre commun géniteur, madame, n’a été que l’amant épisodique de ma mère. Celui qui m’a nourri, vêtu, éduqué, en ignorant son malheur, pour moi mon vrai père, se nomme Guillaume Métaz. C’est un Vaudois, un vrai chrétien qui m’a élevé dans la religion protestante, un homme admirable et…
     
    – Oh ! oui ! tu vas tout me dire de toi. Axel, quel beau nom ! Moi, je t’appellerai Axou… et cesse de me donner du vous et du madame. Ceux qui m’aiment m’appellent Adry.
     
    – Je ne puis être de ceux qui vous aiment ! lança Axel, rageur, en entendant le diminutif de son enfance qu’employaient les siens.
     
    Ce mouvement de colère déclencha un nouveau rire d’Adrienne. Il vit ses dents blanches et tranchantes de carnassier. Après avoir tant espéré d’une rencontre avec cette demi-sœur, il ne pouvait consentir à la trivialité de la situation.
     
    Comme il demeurait boudeur et silencieux, une des femmes noires qui les avaient accueillis apparut, la tête couverte d’un voile épais à la manière des musulmanes. Elle poussa au milieu de la chambre une table à roulettes, sur laquelle le couvert était dressé. Porcelaine, cristaux et argenterie vibraient au soleil, sur la blancheur de la nappe. La servante sans visage approcha deux chaises et se retira, glissant sur des semelles de feutre.
     
    – Viens reprendre des forces… Si tu savais comme je suis heureuse ! Hier, chez la Tavelli, une intuition impérieuse m’a poussée vers toi. J’ai tout de suite su que tu cherchais à Venise une femme, mais imaginer que c’était moi ! Et cependant, j’aurais dû comprendre avant de voir tes yeux. Il

Weitere Kostenlose Bücher