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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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expliqua comment il avait pu rencontrer à Venise la baronne von Fernberg et dans quelles aventures celle-ci l’avait entraîné.
     
    – Elle m’a fait prévenir de son arrivée à Villeneuve. Je l’ai conduite discrètement à Genève, comme elle me l’a demandé. Elle devait y rencontrer des amis.
     
    – Je vois, il s’agit certainement des carbonari, des collecteurs de fonds pour les Grecs ou des exilés prussiens. Voyez-vous, Adriana a beaucoup de défauts et je la tiens même pour un peu folle, mais elle croit farouchement à la liberté et fait tout pour aider ceux qui en sont privés. Seulement, elle est parfois inconséquente. Elle intervient dans les affaires diplomatiques avec plus ou moins d’à-propos. Elle espionne, provoque, noue des intrigues, dans lesquelles elle se trouve prise comme l’araignée dans sa toile. Elle ne s’en tire qu’en usant de moyens que la morale réprouve. C’est une nature impétueuse, téméraire, aventureuse, imprévoyante. Une Tsigane, quoi !
     
    – Elle est ainsi, c’est vrai, concéda Axel.
     
    – Bien que, d’après ce que j’en sais aujourd’hui, elle vive dans un tourbillon mondain, passant d’une cour à l’autre, d’un mari ou d’un amant à l’autre, je la crois sans amis ni appuis véritables. Depuis son enfance, elle a découragé toutes les affections.
     
    – Pas la mienne, dit Axel.
     
    Blaise fut autant surpris par les mots que par le ton catégorique. Il posa un regard amical sur ce fils dont il ignorait presque tout mais dont l’attitude volontaire, la franchise et la clairvoyance lui plaisaient.
     
    Comme le jeune homme semblait prêt à quitter sa chaise, il le retint d’un geste.
     
    – Voulez-vous partager mon repas ? Nous pourrions poursuivre la conversation. À moins que vous souhaitiez ne pas prolonger nos rapports. Vous m’avez remis le pli d’Adriana : votre mission est terminée.
     
    Axel se détendit et esquissa un sourire.
     
    – Puisque vous m’y encouragez, j’aurais plaisir à bavarder avec vous, ne serait-ce que pour vous mieux connaître. Ne pensez pas un instant que je vous tienne rigueur de ma naissance… frauduleuse. Je souhaite que les choses soient claires entre nous, comme elles le sont maintenant entre ma mère et moi. J’ai appris, pour avoir vécu, très jeune, des situations particulières, et parfois scabreuses, que les passions humaines évoluent hors des cercles de la morale et de la religion. Pour parler en juriste – je suis depuis peu avocat – permettez-moi de dire qu’il est présomptueux de porter un jugement sur la recevabilité sociale de l’amour entre un homme et une femme.
     
    Le général inclina la tête en signe d’assentiment.
     
    – Vous me mettez à l’aise, Métaz, et je vous remercie.
     
    Bien qu’il y répugnât, Blaise avait volontairement usé du patronyme, marquant ainsi qu’il tenait Axel pour un homme fait, avec qui s’entretenir d’égal à égal était désormais possible. Puis il fit tinter le timbre posé sur la table, afin d’appeler la serveuse. Quand ils eurent commandé un plat de saucisses, des rösti, de la compote de fruits et une bouteille de vin, Fontsalte prit connaissance du document envoyé par Adrienne. Le pli contenait, en plus d’une autre enveloppe cachetée, plusieurs lettres de change.
     
    – Tout cela est destiné au vieux Buonarroti, qui inspire à certains, dont ma fille, une admiration sans bornes. Il séduisit même Bonaparte autrefois. Le général le considérait alors comme un homme plein d’esprit, mais jacobin fanatique. Il lui confia des missions en Corse et à l’armée d’Italie. Mais, après le 9-Thermidor, Buonarroti se lia à Gracchus Babeuf, qu’il avait connu en prison, et se mit à répandre les idées communistes. Les deux hommes fondèrent une société secrète, dont le but était de renverser le Directoire et d’établir un régime égalitaire qui supprimait la propriété privée, mettait tout le monde au travail avec un salaire identique, quels que fussent les responsabilités et les talents. Bonaparte le fit alors arrêter et lui reprocha d’avoir voulu faire couper le cou au commandant militaire de Paris. Une commission militaire condamna Babeuf à mort et Buonarroti à la déportation. Il fut envoyé au fort National, à Cherbourg, et, grâce à une intervention de Christophe Salicetti, qui avait aidé Bonaparte au commencement de sa carrière, le Premier consul fit libérer

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