Robin
sa longue chevelure
flottante, il portait une épée courte à son flanc dans un fourreau de cuir
noir.
« Baron Neufmarché, dit-elle,
confuse. Pardonnez-moi. Je n’avais pas l’intention de déranger.
— Ne dites pas de bêtises,
répondit-il en souriant. C’est moi qui vous dérange, j’en ai peur. Je ne
voulais pas vous interrompre. » Il alla la rejoindre devant la tapisserie,
qu’elle fixait à nouveau, et la regarda. « Elle est jolie, n’est-ce
pas ?
— Elle est très belle,
dit-elle poliment. Je n’en ai jamais vu de semblable.
— Bien peu de chose comparées
à vous, ma dame. »
Le compliment inattendu la fit
aussitôt rougir ; elle baissa la tête d’un air modeste. « Et
voilà ! » reprit Neufmarché. D’un doigt sous son menton, il la lui
releva et fixa la jeune femme droit dans les yeux. « Voilà que je vous
embarrasse. Une fois encore, veuillez me pardonner. » Tout sourire, il la
libéra. « Cela fait déjà deux fois aujourd’hui, et je n’ai même pas encore
rompu mon jeûne. D’ailleurs, dit-il comme s’il venait d’y penser, j’allais
justement me mettre à table. Vous joindrez-vous à moi ?
— Je vous prie de bien vouloir
m’excuser, mon seigneur, répondit-elle en hâte, mais ma mère a dû se lever et
elle doit certainement être en train de me chercher.
— Il me faudra donc attendre
jusqu’au festin, regretta le baron. Mais pour que je vous laisse partir, vous
devez me promettre une danse.
— Mon seigneur, je ne connais
aucune danse ffreinc, bredouilla-t-elle. Je ne sais danser que les
normales. »
Neufmarché éclata de rire.
« En ce cas je donnerai des instructions aux musiciens pour qu’ils ne
jouent que de la musique normale*. »
Guère disposée à se ridiculiser
davantage, Mérian fit une petite révérence. « Mon seigneur, dit-elle en se
reculant, je vous souhaite une bonne journée.
— De même pour vous, ma
dame », répondit un baron satisfait de son tour.
Mérian baissa la tête, se retourna
et s’en fut le long du corridor qu’elle avait emprunté à l’aller, ne s’arrêtant
qu’à la porte de sa chambre pour reprendre son souffle et se calmer. Elle posa
le dos de sa main sur sa joue pour vérifier qu’elle avait cessé de rougir, puis
ouvrit silencieusement la porte et entra dans la pièce. La reine était
réveillée, et déjà habillée. « Paix et joie sur vous en cette journée,
Mère, lui dit-elle en s’empressant de l’embrasser.
— À toi aussi, ma chérie,
répondit Anora. Mais tu t’es levée tôt. Où donc es-tu allée ?
— Oh, dit-elle distraitement,
j’ai juste fait une petite balade pour m’habituer au château.
— Tu as vu ton père ou ton
frère ?
— Non, mais j’ai vu le baron.
Il s’apprêtait à rompre son jeûne.
— Tu as vu sa femme, la
baronne ?
— Elle n’était pas avec
lui. » Mérian marcha jusqu’à la table et s’assit. « Sont-ils vraiment
si différents de nous ? »
Sa mère considéra un moment la
question. « Je ne sais pas, finit-elle par dire. Peut-être pas. Mais tu
dois te conduire de ton mieux, Mérian, lui conseilla-t-elle, et rester sur tes
gardes.
— Mère ? »
La reine se contenta de lui
répondre par un froncement de sourcil lourd de sens.
« De quoi parlez-vous
exactement ? insista la jeune femme.
— Je parle, dit sa mère avec
une patience forcée, de ces nobles ffreincs, Mérian. Ce sont des êtres cupides,
prêts à tout pour s’élever au détriment des Bretons – en les épousant s’il
le faut.
— Mère !
— C’est la vérité, ma fille.
Et ne viens pas me dire que pareille idée ne t’a jamais traversé
l’esprit. » Dame Anora lui lança un regard perspicace, puis ajouta :
« Plus d’une jeune femme a vu son cœur volé par un beau noble, ffreinc,
anglais, irlandais… peu importe.
— Je me tuerais avant, déclara
Mérian avec fermeté. Je puis vous l’assurer.
— Toujours est-il…», dit sa
mère.
Toujours était-il, en effet…
Car elles se trouvaient là, sur le
point d’assister à des festivités dans le château d’un puissant seigneur
ffreinc. Sa mère avait raison, elle le savait, mais ça ne l’empêchait pas de
lui en vouloir pour s’être ainsi introduite dans ce qu’elle considérait comme
relevant de son jardin secret. Bien qu’elle n’ait aucune intention d’encourager
un quelconque badinage avec ce Ffreinc haïssable, il n’en restait pas moins
qu’elle
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