Robin
or. Ensuite, elle se revêtit de sa plus
belle robe, la bleue pâle, qu’elle recouvrit d’une petite mante confectionnée
dans un beau lin couleur crème et brodée de soie. Elle resserra le tout à la
taille au moyen d’une large ceinture de satin jaune, dont les glands perlés lui
chatouillaient presque les orteils. Lorsqu’elle en eut fini, sa mère approuva
ses choix mais émit une petite réserve : « Il manque quelque chose…»
Saisie de panique, Mérian haleta. « Quoi ?
Qu’est-ce que j’ai oublié ?
— Du calme, mon enfant »,
roucoula Anora en se penchant pour récupérer une petite cassette en bois qui
avait fait le voyage avec eux depuis Eiwas. Après en avoir soulevé le
couvercle, elle en sortit un samit de tulle blanc ourlé de fil d’or. Elle
arrangea le long rectangle d’étoffe précieuse sur la chevelure de Mérian de
sorte qu’il tombe dans son dos en couvrant – pour mieux la dévoiler –
la tresse de la jeune femme.
« Mère, votre plus beau voile,
soupira Mérian.
— Tu le porteras ce soir, ma
chérie. » Elle fouilla à nouveau dans la cassette et en ressortit un fin
bandeau d’argent qu’elle plaça sur la tête de sa fille de manière à fixer le
samit. Puis elle fit un pas en arrière pour juger du résultat. « Exquise,
déclara-t-elle. Un joyau capable d’illuminer n’importe quelle fête. Les dames
normandes vont s’étrangler d’envie. »
Mérian remercia sa mère d’un
baiser. « Je m’estimerai heureuse de survivre à cette soirée sans tomber
par terre.
— Tais-toi donc, lui dit Anora
en la congédiant d’une petite tape sur la joue. Va mettre tes chaussures. Le
chambellan ne va pas tarder. »
Mérian n’avait encore jamais porté
ses nouvelles pantoufles de cuir souple. Elle en nouait les fins lacets autour
de ses chevilles quand on frappa à la porte de la chambre. La jeune femme se
redressa et prit une profonde inspiration pour se préparer à prendre place
parmi les invités de haute naissance qui se réunissaient dans la grande salle
du baron.
Bien qu’il fît encore jour, la
salle de banquet était éclairée par des rangées de torches brûlant dans des
appliques murales. Les immenses portes de chêne avaient été ouvertes en plein
pour permettre aux hôtes du baron d’aller et venir à leur gré. Des chandeliers
en fer à chaque coin et un grand feu dans l’âtre au fond de la pièce
finissaient de chasser l’obscurité.
Des tables avaient été dressées sur
des chevalets tout du long de la salle, au fond de laquelle on en avait disposé
une autre sur une contremarche pour dominer l’assemblée. La pièce était noire
de monde – à la fois des invités parés de leurs plus beaux atours et des
serviteurs en tunique cramoisie qui leur proposaient sucreries et mets délicats
en guise d’amuse-gueules. Sur un petit balcon dans un coin de la salle, cinq
musiciens jouaient une musique qui évoquait à Mérian le gazouillement des
oiseaux dans les branches grimpantes d’un saule à proximité d’une fontaine de
cristal dans laquelle l’eau serait tombée goutte à goutte. C’était si beau
qu’elle ne pouvait comprendre pourquoi personne ne semblait les écouter. Elle
eut à peine le temps de leur jeter un coup d’œil fugitif avant que la foule ne
l’entraîne loin d’eux : le baron et sa femme arrivaient.
« Que tous saluent le Seigneur
du Banquet ! » s’écria Remey, le chambellan du baron, lorsque le
couple fit son apparition dans l’embrasure de la porte. « Voici mon
seigneur et ma dame, le baron et la baronne Neufmarché. Salut à vous !
— Salut à vous !
répétèrent les invités avec ferveur. Salut au Seigneur du Banquet ! »
Neufmarché, majestueux dans sa
tunique noire recouverte d’une petite cape rouge, lança du seuil de la porte un
regard bienfaisant sur l’assemblée scintillante. Il portait un petit couteau
serti de joyaux dans sa large ceinture noire ainsi qu’une croix en or autour du
cou. À ses côtés, aussi mince qu’une branche de saule, se tenait la baronne,
dame Agnès. Elle portait une robe pâle de samit argenté qui miroitait tel de
l’eau à la lueur des flambeaux et sa tête était ceinte d’une petite capote aux
coins carrés ornée de minuscules perles. Un double bracelet de perles parait
chacun de ses fins poignets. On pouvait voir le contour de ses hanches à
travers la matière raffinée de sa robe ; quant à l’ossature à la base de
sa gorge, elle
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