Robin
chamailler ensuite à propos de
l’identité du vainqueur. » Il secoua gravement la tête. « Neufmarché
déteste peut-être de Braose autant que nous, mais nous ne réussirons jamais à
en faire un allié.
— Mais si nous y parvenons,
insista Bran, il sera obligé de nous aider. Il a le pouvoir et les moyens de
nous débarrasser de De Braose.
— Tuck a raison, déclara Iwan.
En outre, comment pourrions-nous le persuader de s’allier à nous ? Nous
n’avons rien à lui offrir qu’il puisse désirer.
— Et de toute façon, intervint
Siarles, Neufmarché serait-il prêt à conclure un tel marché ?
— Oui, et pour peu qu’il
accepte, ajouta Tuck, tiendrait-il sa parole ? »
Bran réfléchit en silence.
Pouvaient-ils se fier à Neufmarché ? Impossible à dire. « Le roi
Cadwgan le tient pour être juste et digne de confiance. Lui et son peuple ont été
traités équitablement. Mais que le baron respecte ou pas sa parole, conclut
Bran comme si des pierres emplissaient sa bouche, nous ne serons pas plus mal
lotis que maintenant.
— C’est une solution de
dernier recours, soutint Tuck. Commençons d’abord par épuiser toutes les autres
possibilités.
— C’est ce que nous avons
fait, mon ami. Tu le sais mieux que quiconque. La seule perspective qui nous
reste à présent, c’est de regarder les Ffreincs se renforcer à nos dépens. Le
baron de Braose et le Roi Rouge ne cherchent qu’à nous nuire. Nous n’avons plus
rien à perdre. » Bran les gratifia d’un sourire amer. « S’il nous
faut dormir avec le Diable, qu’il en soit ainsi. Mon père n’aurait pas dû faire
autre chose il y a bien longtemps déjà. Si Brychan avait prêté allégeance aux
Ffreincs quand il en a eu l’occasion, nous n’en serions pas là
aujourd’hui. »
Incapables de réfuter l’argument,
ses compagnons en convinrent à contrecœur.
Soudain moins sombre, Bran
s’adressa directement au prêtre. « Passe devant, Tuck, et prie de tout ton
cœur pour que nous trouvions l’ami dont nous avons tant besoin. »
Une fois qu’il eut congédié le
dernier des requérants de la journée, le baron Bernard de Neufmarché retourna
dans sa tente où, après avoir demandé à Remey de lui apporter un rafraîchissement,
il ôta sa courte cape et s’effondra dans son fauteuil. La journée avait été
longue, mais productive, concluant pour le mieux un conseil qui au final avait
satisfait toutes les revendications. Se réunir à Talgarth – le lieu même
du récent trépas du fameux seigneur Rhys ap Tewdwr – avait été un coup de
maître. Cela lui avait permis de rappeler ostensiblement à ses vassaux qu’il
n’avait pas peur d’affronter ceux qui refusaient de le servir loyalement. Et le
message était passé. Demain, le conseil prendrait officiellement fin, et il
renverrait tout ce beau monde dans leurs foyers – certains heureux de leur
sort, d’autres moins – et lui-même repartirait pour Hereford surveiller
l’avancement des récoltes et commencer à préparer l’arrivée de nouvelles
troupes au printemps.
« Votre vin, sire. »
Remey déposa un gobelet en étain sur la table qui jouxtait le fauteuil du
baron. « J’ai demandé qu’on vous cuisine des saucisses, et nous aurons
bientôt du pain frais. Voulez-vous autre chose en attendant ?
— Le vin suffira pour
l’instant, répondit le baron en se débarrassant de ses bottes. Apportez le
reste quand ce sera prêt, et aussi quelques fraises*, s’il en reste
encore.
— Bien sûr, sire. Les séances
se sont bien passées aujourd’hui, je suppose ?
— Pour le mieux, Remey. Pour
le mieux. » Neufmarché s’accorda une longue gorgée de vin, savourant
l’acidité raffinée de son bouquet. Les conseils n’allaient jamais sans
revendication, et celui-là moins qu’un autre étant donné l’absence prolongée du
roi. L’expédition récente de troupes fraîches depuis la Normandie laissait
entendre que le conflit opposant William le Rouge à son frère, le duc Robert,
s’était encore envenimé. Avec l’été qui allait sur sa fin, la situation
resterait en l’état au moins jusqu’au terme des récoltes, au mieux. Pendant ce
temps, le roi se réfugierait à Rouen pour lécher ses plaies et réapprovisionner
ses châteaux.
Par conséquent, le trône du roi
d’Angleterre risquait de rester vide dans un avenir proche. L’absence d’un
souverain obligeait les seigneurs de moindre rang à chercher
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