Robin
que sous diverses variantes, et se composait d’une vague
agrégation de poèmes et de chants modelés par les troubadours et les ménestrels
de l’époque. Lesdits poèmes et chants, qui n’avaient que peu de rapports les
uns avec les autres, portaient des titres tels que « Robin des Bois et le
Potier », « La Chasse de Robin des Bois », « Robin des Bois
et l’Évêque d’Hereford », « Le Jovial Gardien de Wakefield »,
« Le Noble Pêcheur », « Robin des Bois s’est fait ermite »,
« Robin des Bois à la rescousse de rois écuyers » ou « Petit
Jean le mendiant ».
Tandis que les ménestrels
vagabondaient à travers la Bretagne avec leurs luths et leurs lyres,
chantonnant du nord jusqu’au sud, ils rendirent partout célèbre ce coquin
bien-aimé, en s’inspirant parfois de noms locaux pour faciliter
l’identification avec leur sujet et donner davantage d’immédiateté à leurs
histoires. Aussi les chansons ne s’accordent-elles pas sur un même décor, pas
plus qu’elles ne s’entendent sur le nom du personnage principal. Et bien que la
plupart de ces contes populaires aient été retranscrits sur papier, ou
parchemin, avant 1400, aucune tentative n’a été faite pour les coudre tous
ensemble afin de former un seul et même vêtement.
Dans les premières histoires, Robin
n’était pas un héros respectable à la Errol Flynn. C’était un mufle grossier et
vulgaire très porté sur la violence. C’était déjà un voleur, à n’en point
douter, mais son désormais célèbre credo de « voler aux riches pour donner
aux pauvres » apparut bien des siècles après le brutal bandit de grand
chemin originel. Ce Robin volait aux riches, certes, mais il gardait pour
lui-même chaque penny d’argent anglais.
Le temps passant, les légendes
dépenaillées acquirent de nouveaux atours plus reluisants, jusqu’à posséder une
entière garde-robe pleine d’insignes médiévaux somptueux et colorés sous la
forme de personnages, de lieux, de péripéties et d’aventures. Des personnages
tels que Petit Jean, frère Tuck, Will l’Écarlate et sire Guy de Gisbourne
apparurent l’un après l’autre dans le mythe, en divers temps et lieux, à mesure
que des compositeurs et conteurs délayaient les vieilles histoires pour en
faire de nouvelles. Le Shérif de Nottingham s’y adjoignit assez tôt et,
contrairement à ce qu’il est coutume de croire, n’était pas systématiquement le
méchant en titre. La belle et courageuse Marianne fut en fin de compte l’un des
derniers personnages à arriver sur scène, faisant ses débuts aux alentours du
début du XVI e siècle.
D’autres se distinguent par leur
absence. À l’origine, il n’y avait pas de malfaisant roi Jean ou de bon roi
Richard – il n’y avait aucun roi. Et le seul monarque dont on
retrouve la mention était « Edward, notre bienfaisant roi », mais
sans qu’on clarifie jamais duquel parmi les multiples Edward possibles il
s’agissait.
Nous nous retrouvons ainsi avec un
corpus informe de chants et de poèmes parlant d’une adorable racaille au nom
incertain qui vivait quelque part sur l’île bretonne à un certain moment du
passé. Parmi toutes ces possibilités de lieux et d’époques, pourquoi choisir le
pays de Galles ?
De nombreux indices, minces mais
éloquents, permettent de situer la source originelle de la légende dans une
partie de la Bretagne aujourd’hui appelée pays de Galles dans la génération
ayant suivi l’invasion normande de 1066. D’abord et avant tout, il y a le
tempérament collectif des Gallois (du Saxon wealas, « étrangers »),
ou, ainsi qu’ils se voyaient eux-mêmes, des Bretons.
En 1100 après Jésus-Christ, Gerald
de Galles, un noble de haute lignée, écrivit à son peuple : « Les
Gallois sont extrêmes dans tout ce qu’ils entreprennent. Si vous n’avez jamais
rencontré pire qu’un méchant Gallois, vous ne rencontrerez jamais meilleure
personne s’il se décide à se montrer bon. » Il poursuivait en les
décrivant comme extrêmement robustes, extrêmement généreux, et extrêmement
spirituels. Mais aussi, prévenait-il, extrêmement traîtres, extrêmement
vengeurs et extrêmement avides de terres. « Et par-dessus tout, écrit-il,
ils sont passionnément attachés à leur liberté, et belliqueux presque à
l’excès. »
Gerald décrit les Cymry comme une
entière nation de guerriers en armes. À l’inverse des Normands, qui
distinguaient
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