Robin
des
branches comme des oiseaux d’or traversant le ciel bleu pâle. Loin, très loin,
marquant la frontière du commot, s’élevait le mur vert foncé de la forêt ;
il évoquait une ligne de nuages sombres et turbulents annonçant un prochain
orage.
Les deux nobles, chacun accompagné
par un chevalier et trois soldats, chevauchèrent sans encombre à travers la
vallée et les collines onduleuses. Une fois en vue du petit monastère de
Llanelli, ils s’arrêtèrent pour étudier l’emplacement et la construction des
divers bâtiments avant de reprendre leur route. Ils visitèrent également l’une
des quelques fermes de l’Elfael, blottie dans la ramification de vallées sous
l’ombre enveloppante de la plus haute colline de la région. Elle se composait
d’une maison et d’une grange, d’un grenier et d’un poulailler. Comme beaucoup
d’autres, elle était abandonnée. Ses habitants étaient partis – où, Falkes
n’en avait pas la moindre idée.
Après une rapide visite des lieux,
ils retournèrent à leurs chevaux. « Quel endroit minable, fit remarquer le
comte Philip en remontant en selle. Je ne laisserais pas un de mes chiens vivre
ici. » Il secoua la tête. « Sont-elles toutes comme ça ?
— Plus ou moins, répondit
Falkes. La plupart des hommes ici sont des bergers, pour autant que je le
sache. Ils suivent leur troupeau, laissant souvent leur propriété à l’abandon
pendant des mois.
— Qu’en est-il des fermes, des
récoltes ? s’enquit Philip en s’emparant de ses rênes.
— Il n’y en a guère, répondit
Falkes en ramenant son cheval sur la piste. La majeure partie des terres sert
au pâturage.
— Cela va changer, décida
Philip. Ce sol est riche, regarde cette herbe, comme elle est luxuriante et
épaisse ! On pourrait faire pousser quantité de céréales ici, suffisamment
pour nourrir une armée.
— Ce dont précisément nous
aurons besoin », fit Falkes en poussant sa monture. Il se remémora les
plans du baron pour assujettir les commots voisins. « Deux ou trois
armées. »
Ils chevauchèrent jusqu’au sommet
de la colline qui surplombait la ferme et parcoururent du regard la vallée
déserte. Des ruisseaux étroits serpentaient à travers la dense herbe verte qui
ondulait au vent. En pensée, le comte Philip pouvait voir des fermes et des
villages surgir de terre partout autour de lui. Il y aurait des moulins –
pour la laine et le grain –, des entrepôts, des granges et des greniers.
Il y aurait des maisons pour les fermiers, les travailleurs, les
artisans : tanneurs, shipchandlers, constructeurs de chariots, ferronniers,
tisserands, boulangers, teinturiers, charpentiers, bouchers, fouleurs et tous
les autres.
Et il y aurait des églises,
également, une par agglomération – village ou ville –, et peut-être
aussi un monastère ou deux. Peut-être, le moment venu, une abbaye.
« Un bel endroit, dit Falkes
d’un air songeur.
— Oui. » Son cousin hocha
la tête en souriant. « Nous avons bien fait de venir. » Il laissa son
regard balayer le sommet des collines jusqu’à la voûte bleue du ciel. La
chaleur du soleil inondait son visage. « L’Elfael est un diamant brut,
mais un peu de travail suffira à le polir.
— À n’en point douter, convint
Falkes. S’il plaît à Dieu.
— Oh, Dieu s’est déjà exprimé
sur la question, l’assura Philip. Aussi vrai que William est roi, cela ne fait
aucun doute. » Il se tut un instant, puis ajouta : « Vraiment
aucun. »
CHAPITRE 17
Le lendemain de la Saint-Edmond,
trois semaines après la visite du comte Philip, le temps était devenu glacial.
Le vent du nord s’était levé. Il soufflait en vives rafales et poussait des
nuages bas gris sale par-dessus les collines. Le froid mordait le maigre corps
de Falkes, qui mourait d’envie de faire demi-tour pour retrouver le grand feu
qu’il laissait flamber dans l’âtre. Mais les hommes du baron continuaient à
discuter de la carte qu’ils étaient en train d’établir, et il ne voulait pas
leur apparaître hésitant, ni qu’on doutât un instant de son entière dévotion à
la grande entreprise de son oncle.
Ils étaient quatre – un
architecte, un géomètre et deux apprentis –, et bien que Falkes ne pût l’affirmer
avec certitude, il les soupçonnait d’être aussi des espions. Les questions
qu’ils posaient et l’intérêt qu’ils portaient à ses affaires l’avaient mis sur
ses gardes (il ne savait
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