Robin
fait une gifle. Elles rouvrirent le trou béant dans lequel
il avait poussé toute la noirceur qui couvait dans son âme – et qui
bientôt refit surface, sous la forme d’un irrésistible désir de vengeance.
CHAPITRE 24
Bien que des espions aient depuis
longtemps confirmé ses soupçons – trois châteaux étaient en cours
d’érection aux frontières de l’Elfael –, le baron souhaitait voir de ses
yeux la construction des bastions de De Braose.
Maintenant que le beau temps avait
atteint les vallées, il estimait judicieux d’aller rendre une nouvelle visite
au comte. Sur le chemin, il pourrait passer voir ses laquais bretons pour
s’assurer de la progression des plantations printanières. En tant que suzerain
d’un peuple soumis, cela ne faisait jamais de mal de faire une apparition
imprévue de temps à autre pour apprécier l’humeur des gens qui se trouvaient
sous son autorité. Lord Cadwgan ne lui avait causé que peu d’ennuis au cours de
son règne, ce dont l’habile baron lui était reconnaissant. Mais depuis que
l’incursion tant attendue dans les territoires gallois avait commencé,
Neufmarché estimait préférable de se rendre compte par lui-même de l’avancée de
l’opération, histoire de récompenser la loyauté et l’assiduité, et de tuer dans
l’œuf la moindre étincelle de mécontentement avant d’éventuels embrasements.
Ces pensées à l’esprit, le baron se
mit en route par un beau matin pour Caer Rhodl, la forteresse du roi Cadwgan,
en compagnie d’une petite escorte. À son arrivée deux jours plus tard, le roi
gallois le reçut avec une certaine retenue. « Mon seigneur Neufmarché, dit
Cadwgan en sortant de sa grande salle. Je m’étonne que vous n’ayez pas dépêché
votre intendant pour me prévenir de votre arrivée. Je vous aurais réservé
l’accueil qui vous sied.
— Rassurez-vous, je ne savais
pas moi-même que j’allais venir ici, mentit le comte avec un sourire avenant.
J’étais déjà sur la route quand j’ai décidé de faire cette halte. Je n’attends
nulles façons. Tenez, venez donc chevaucher avec moi – j’ai pour projet
d’aller inspecter les champs. »
Le roi ordonna qu’on selle des
chevaux de sorte que lui, son propre intendant et quelques guerriers de son
escorte puissent accompagner le baron. Puis tous partirent battre la campagne.
« L’hiver a été rude par ici ? demanda aimablement le baron.
— Bien assez, répondit le roi.
Mais plus encore dans le cantref voisin. » Il indiqua l’Elfael au nord
d’un petit signe du menton. « Oui, poursuivit-il comme s’il réfléchissait
pour la première fois à la question. Ils ont perdu leurs récoltes, ce qui était
déjà assez dur, mais à présent on les empêche de planter.
— Vraiment ? »
s’étonna le baron Neufmarché avec une curiosité non feinte. Tout ce qui
concernait les difficultés d’autrui l’intéressait. « Et savez-vous
pourquoi ?
— C’est ce nouveau comte, le
parent de De Braose ! D’abord il les pousse tous à s’enfuir, et maintenant
qu’ils sont de retour, il les force à construire ses maudites forteresses.
— Il construit des
forteresses ? s’enquit Bernard, le regard empreint d’une expression
innocente.
— Oui, trois, répondit
sombrement le roi. C’est du moins ce que j’ai entendu dire, et je n’ai aucune
raison de ne pas le croire.
— Très ambitieux, admit
Neufmarché. Je n’aurais jamais imaginé qu’il ait besoin de telles fortifications
pour administrer le petit Elfael.
— Non, c’est son oncle, le
baron, qui a des vues sur les cantrefs au nord et à l’ouest. Il entend bien
s’emparer de tout ce qu’il pourra. Bâtards cupides ! Ils n’arrivent même
pas à administrer le commot qu’on leur a donné ! Que feraient-ils de
davantage de terres ? » Le roi cracha puis secoua lentement la tête,
comme s’il contemplait un désastre facilement évitable. « Croyez-moi, rien
de bon ne sortira de tout ceci. »
Le baron soupira. « Je crains
que vous n’ayez raison. »
Sur la route du retour, Neufmarché
effectua une inspection méthodique des domaines, posant maintes questions aux
fermiers – sur la dernière récolte, les nouvelles plantations,
l’importance des pluies de printemps. Il alla même marcher dans un des champs
pour frotter de la terre entre ses mains, histoire d’en éprouver la qualité. Au
terme de son enquête, il se déclara plus que satisfait des efforts des
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