Robin
qu’Angharad
tournait celles-ci avec régularité, Bran enroulait patiemment l’une sur l’autre
les longues fibres filandreuses, en ajoutant soigneusement de nouvelles au fur
et à mesure. Le processus se poursuivit jusqu’à ce qu’il obtienne six longueurs
de brins entrelacés, qu’il tressa minutieusement ensemble trois par trois pour
confectionner deux cordes.
Déterminer leur longueur lui prit
également un certain temps. Bran dut corder et décorder l’arc une bonne
douzaine de fois avant de trouver la tension satisfaisante. Quand il en eut fini,
il exprima son contentement puis déclara : « À présent, confectionner
des flèches. »
Il ne l’avait jamais fait non plus,
mais à l’instar des autres tâches, il l’avait vu faire suffisamment souvent
pour connaître la procédure. « Le saule est facile à travailler, mais il
est difficile d’en trouver des longueurs utilisables, pensait-il à voix haute
tandis qu’Angharad préparait leur souper. Pareil pour le hêtre ou le bouleau.
Le frêne, l’aulne et le charme sont plus solides. Le chêne est le plus difficile
à tailler mais c’est le plus dur de tous. Et le plus lourd, ce qui limite la
portée des flèches – idéal pour chasser des animaux plus gros, cependant…
et pour le combat, bien sûr.
— Tous ces arbres abondent
dans la forêt, fit remarquer Angharad. Demain, nous irons ensemble trouver des
branches.
— Très bien », convint
Bran. Ce serait la première fois qu’elle l’autoriserait à marcher dans les bois
depuis sa petite randonnée hivernale qui l’avait renvoyé dans son lit de
malade. Quand bien même, il ne voulait pas paraître trop excité, de peur
qu’Angharad change d’avis. « Si vous pensez que je suis prêt.
— Bran, dit-elle avec douceur,
tu n’es pas prisonnier ici. »
Il hocha la tête d’un air
embarrassé. En son for intérieur, il se voyait justement comme un prisonnier
aspirant à la liberté.
Le jour suivant, tous deux
s’enfoncèrent dans la forêt pour sélectionner diverses essences utilisables.
« Les pointes vont être difficiles à fabriquer, expliqua Bran en
brandissant sa hache. Si je pouvais retourner au caer, je récupérerais tous les
fers dont j’ai besoin – ainsi que des flèches.
— Et le silex ? »
L’idée d’une pointe en pierre était
si dépassée qu’elle fit glousser Bran. « Je doute qu’il existe quelqu’un
en vie dans toute la Bretagne encore capable de fabriquer une tête en
silex. »
Ce fut au tour d’Angharad de rire.
« Il est encore une personne sur l’île du Puissant qui s’en
souvient. »
Bran s’immobilisa. « Qui
êtes-vous, Angharad ? »
Comme elle ne répondait pas, il
s’empressa de la rattraper. « Vraiment, qui êtes-vous pour savoir toutes
ces choses ?
— Je te l’ai déjà dit.
— Dites-le moi encore. »
Angharad s’arrêta, se retourna et
lui fit face. « M’écouteras-tu cette fois ? et me croiras-tu ?
— Je vais essayer. »
Elle secoua la tête. « Non. Tu
n’es pas prêt. » Elle reprit sa marche.
« Angharad ! hurla Bran
de frustration. « S’il vous plaît ! De toute façon, quelle différence
si je vous crois ou non ? Dites-moi simplement qui vous êtes. »
La vieille femme fit de nouveau
halte. « Cela fait toute la différence, déclara-t-elle gravement. À
tel point que parfois, cela me coupe le souffle. C’est plus important que la
vie ou la mort, plus que ce monde ou que celui à naître. Tu n’as pas idée de la
différence que cela peut faire. »
Elle se remit en route, mais Bran
ne la suivit pas. « Vous parlez par énigmes ! Comment suis-je censé
comprendre quand vous parlez comme ça ? »
Angharad se retourna avec une telle
violence qu’il recula d’un pas. « Qu’as-tu fait de ta vie, Maître
Bran ? lui demanda-t-elle d’un ton accusateur. Et plus important encore,
que vas-tu en faire maintenant que tu l’as recouvrée ? »
Bran allait protester mais ferma la
bouche au moment même où sa réponse s’apprêtait à en sortir. Il était vain de
la défier, mieux valait se taire.
« Réponds à ça, insista-t-elle,
et je te répondrai. »
Bran lui rendit son regard furieux.
Quelle réponse ne lui vaudrait pas une volée de reproches ?
« Rien à dire ? demanda
Angharad avec une fausse sincérité. C’est bien ce que je pensais. Réfléchis un
peu plus avant de parler. »
Ses paroles le piquèrent au vif
autant que l’aurait
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