Robin
légèrement désagréable, comme une sensation de meulage dans son
estomac. Il essaya de se concentrer sur autre chose, mais dès lors l’inconfort
réapparaissait chaque fois que ses pensées venaient à effleurer la question de
son départ. Au début, il considéra cela comme une forme de mécontentement –
une manifestation diurne de l’agitation qui s’emparait souvent de lui pendant
son sommeil. Quand bien même, cette subtile angoisse allait croissante, et bien
vite Bran commença à sentir un goût amer dans sa bouche chaque fois qu’il
réfléchissait à un quelconque aspect de ses résolutions.
Guère disposé à affronter la
douleur qui fermentait en lui, Bran entreprit de l’ignorer. Mais cachée au plus
profond de son cœur, elle couvait et grandissait à mesure qu’il travaillait le
bois – le façonnant, le planant, produisant lentement la courbe parfaite
qui courrait tout du long de l’arc. Ce faisant, il finit par oublier la maladie
qui se répandait dans son âme.
Quand enfin le bâton eut exactement
la forme requise, Bran l’apporta à Angharad. Il le lui tendit avec un
irrépressible sentiment du devoir accompli. Il ne pouvait s’empêcher de sourire
en voyant la vieillarde tenir entre ses mains trapues l’arc de frêne et tester
sa résistance avec son corps. « Alors ? demanda-t-il, incapable de se
contenir plus longtemps. Qu’en pensez-vous ?
— J’en pense que j’ai eu
raison de t’appeler Maître Bran, répondit-elle. Tu es aussi doué avec des
outils qu’un artisan.
— C’est bien, ou
pas ? » dit-il en tendant la main pour caresser le bois lisse au fin
grain. Le bâton était parfait.
« Tu l’as bien travaillé, lui
dit-elle en le lui rendant. Je ne crois pas avoir jamais vu arc plus beau.
— Le frêne était un bon choix,
concéda-t-il, mais l’if est meilleur encore. » Levant les yeux, il surprit
le regard d’Angharad. « Je ne vous le reproche pas, remarquez. Ce n’est
pas facile de trouver une branche utilisable.
— À la bonne heure. Maintenant
que tu l’as terminé, j’aimerais voir si tu peux chasser avec. »
Il perçut le ton de défi qui
accompagnait ses paroles. « Vous me pensez incapable d’abattre un
cerf ? ou même un sanglier ?
— Peut-être un petit, dit-elle
pour le taquiner, s’il a le pas lent et la peur au ventre.
— Je ne chasse plus,
rétorqua-t-il. Autrement, je vous aurais rapporté un cerf plus gros, plus
rapide et plus fort que tous ceux que vous avez jamais vus – un
authentique Seigneur de la Forêt. »
Elle le considéra d’un œil curieux,
presque avien. Qu’il utilisât cette expression l’asticotait. Se pouvait-il que
son élève fût prêt pour l’étape suivante de son voyage ? « Commence
déjà par terminer ton arc, Maître Bran. Ensuite, nous verrons bien ce qui
arrivera. »
Achever son travail lui prit plus de
temps que prévu. Se procurer le cuir brut pour la prise, en couper une fine
lanière et la fixer autour de la partie centrale du bâton l’occupèrent
plusieurs jours. Fabriquer la corde s’avéra être une plus rude tâche encore.
Bran ne l’avait jamais fait, elles lui avaient toujours été fournies par une
des femmes du caer.
Il ne savait pas avec certitude
quel matériau choisir, ni où le trouver. Il consulta Angharad. « Ils
utilisaient du chanvre, lui dit-il. Et aussi du lin, je crois. Mais je ne sais
pas où ils s’en procuraient.
— Le chanvre est assez facile
à trouver. Et si tu me donnes un peu de temps, je pourrai aussi dénicher du
lin. Lequel préfères-tu ?
— Peu importe, dit-il. Celui
que vous obtiendrez le plus vite.
— Tu l’auras. »
Deux jours plus tard, Angharad se
présenta à lui avec un paquet de chanvre séché. « Tu vas devoir le
débourrer et le battre pour en faire du fil. Je vais te montrer. »
La première journée de beau temps
qui suivit cette conversation les trouva à l’extérieur de la grotte, occupés à
filer les feuilles et à battre les longues tiges sur une pierre plate. Une fois
que celles-ci commencèrent à céder, il leur fut plus facile d’arracher les fils
distendus. Les grandes fibres extérieures étaient résistantes et velues,
contrairement aux internes, plus fines, que Bran rassembla avec soin en un tas
circulaire.
« Maintenant il faut les
tresser », dit le jeune homme. Après en avoir sélectionné quelques-unes
des meilleures, il les attacha à une branche de saule ; tandis
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