Robin
frêne. « Vous pouvez en faire un bâton de
druide, mais pas un arc.
— Et qu’est-ce qui te fait
croire que je n’ai pas déjà fait sécher ce bois ?
— Vraiment ? Toute une
année ?
— Un an, non.
— D’accord…» Il haussa les
épaules et lui tendit à nouveau le bâton.
« Deux ans, fit-elle. Je l’ai
gardé emballé dans du cuir pour qu’il ne sèche pas trop rapidement.
— Deux ans, répéta-t-il avec
méfiance. Je ne vous crois pas. » En vérité, il la croyait bel et bien, il
n’avait simplement pas envie d’envisager les implications beaucoup plus vastes
de sa remarque.
Angharad s’était détournée de lui
et marchait à présent en direction de la caverne. « Assieds-toi, lui
dit-elle. Je vais aller te chercher les outils. »
Bran se réinstalla sur son rocher.
Il n’avait fabriqué un arc qu’à deux reprises, dans sa jeunesse, mais il avait
assisté à l’opération en d’innombrables occasions. Les guerriers de son père
passaient de nombreuses journées d’hiver à remplir la grande salle de sciure et
de copeaux de bois. Assis autour du feu, ils se régalaient les uns les autres
d’impossibles fanfaronnades. Pour la bataille, l’arc long était l’arme favorite
de tous les Vrais Fils de Prydein – mais aussi de pas mal de ses
intrépides filles. Entre des mains habiles, un arc de guerre solide devenait
une arme redoutable – légère, durable, facile à fabriquer avec des
matériaux à portée de main et, par-dessus tout, terriblement mortelle.
Bran, comme la plupart des enfants
ayant grandi dans les vallées isolées et les rudes collines de l’ouest, avait
commencé à apprendre l’art de l’archer dès qu’il avait pu se tenir sur ses
jambes branlantes. Enfant, il était souvent allé dormir les doigts et les bras
tétanisés de douleur. À sept ans, le claquement d’une corde lui avait laissé au
poignet gauche une belle cicatrice qui avait mis tout l’été à s’estomper. À
huit, il avait abattu tout seul un jeune sanglier – un présent pour sa
mère. Même si la chasse avait cessé de l’intéresser après cet épisode, il avait
continué à s’entraîner à l’arc de guerre, et dès sa treizième année il pouvait
tendre un arc d’adulte et atteindre l’œil d’un corbeau perché sur une pierre
levée située à trois cents pas.
Pareil talent ne lui était pas
propre : tous les guerriers de sa connaissance en faisaient autant –
de même que chaque fermier un tant soit peu doué. Si l’aptitude à tirer une
flèche avec précision sur des longueurs improbables était fréquente parmi les
Cymry, elle demeurait prisée car elle permettait de faire le meilleur usage
d’une des innombrables qualités de l’arc : frapper à distance,
silencieusement si nécessaire – Bran ne connaissait pas d’autre arme
possédant pareil avantage.
Quand Angharad revint les bras
chargés d’une herminette, d’une pierre ponce, de plusieurs ciseaux affilés et
de couteaux dénichés quelque part dans la grotte parmi d’innombrables trésors
inconnus de Bran, le jeune homme se mit au travail, avec hésitation pour
commencer, puis de plus en plus assuré à mesure que ses mains se rappelaient
leur art. Bientôt il accomplissait sa besogne avec plaisir, assis sur son rocher
inondé de soleil, occupé à ôter l’écorce de la longueur de frêne effectivement
assez sèche. Tout en travaillant, il écoutait les oiseaux chanter dans les
arbres verdoyants et habituait ses oreilles aux bruits de la forêt.
Cela devint, comme Angharad l’avait
prévu, son occupation principale. Au fil des jours, la vieillarde remarqua que
lorsqu’il travaillait sur son arc, Bran geignait moins et semblait plus
heureux. Les jours de pluie, il s’asseyait à l’entrée de la caverne sous le
surplomb rocheux et poursuivait son ouvrage.
Lentement, la fine longueur de
frêne prit forme sous ses mains. Il travaillait avec minutie – rien ne
pressait, après tout. Il se savait encore incapable de voyager à travers les
montagnes. L’été serait bien avancé quand ce jour viendrait, et d’ici là l’arc
serait terminé et prêt à l’emploi.
Bran projetait toujours de partir.
Dès que son médecin ridé le déclarerait guéri, il lui ferait ses adieux et
quitterait la forêt et l’Elfael sans se retourner.
Un jour, pourtant, alors qu’il réfléchissait
à cette perspective, quelque chose s’éveilla au plus profond de lui – un
vague malaise
Weitere Kostenlose Bücher