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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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d’Axel, la réserve et l’attention
polie qu’il portait aux propos de Sainte-Beuve avaient aussi retenu l’attention
de cette femme de vingt-sept ans, dont toutes les amies enviaient la pâle
carnation et l’opulente toison.
    Quand Élise, appelée à Berne au chevet de son père malade, ne
put plus suivre l’enseignement de Sainte-Beuve, Axel vint cependant à l’Académie,
avec le secret désir de revoir la séduisante personne.
    Bientôt, les premières tiédeurs d’un printemps précoce
firent apparaître les femmes en toilettes légères. Un après-midi, l’inconnue
ôta, avant de s’asseoir, son manteau de faille noire. Elle apparut alors dans
une robe de soie mauve, le rose des veuves, au décolleté festonné de dentelle noire,
assez moulante pour révéler des formes pleines, un buste haut et ferme, des
hanches rondes. « La taille manque un peu de finesse, se dit Axel, mais la
colonne du cou et les longs doigts fuselés attestent une origine aristocratique. »
Examinant la dame à la dérobée, il se prit à imaginer un corps affranchi des
entraves du corset.
    Axel ne fut pas le seul, pendant des semaines, à observer
cette femme. Des étudiants se retournaient sur leur banc pour lancer des
œillades qui laissaient la cible impavide, des hommes faits, jaugeant sans
vergogne les appas de l’inconnue, tentaient d’attirer son attention sans y
parvenir. Des professeurs et des notables qui semblaient la connaître, s’empressaient,
le cours terminé, de présenter des hommages qu’elle recevait avec un sourire
poli et une phrase d’un formalisme courtois.
    Interrogé, Chantenoz expliqua qu’il s’agissait d’une
personne de bonne famille dont l’époux, mort deux ans plus tôt de la
tuberculose, avait été de ses élèves. Ayant remarqué, malgré sa vue de plus en
plus faible, l’intérêt qu’Axel semblait porter à la belle rousse, Martin révéla
l’identité de la dame et ajouta :
    — À mon avis, c’est une Béatrice qui attend son Dante. Prends
garde !
    — À moins qu’il ne s’agisse d’une Judith guettant son
Holopherne ! rectifia Vuippens qui avait, lui aussi, apprécié la plastique
de la veuve.
    — Les femmes ont, en effet, plusieurs façons de faire
perdre la tête aux hommes ! acheva Chantenoz.
    Ce soir-là, M. Métaz, sensible aux effluves romantiques
et au fleuretage latent qui semblaient s’être emparés d’une assemblée où les
sexes se côtoyaient, sous patronage universitaire, hors des contraintes
sociales et mondaines, envisagea, pour la première fois, de trahir la fidélité
conjugale. Le sang chaud des Fontsalte l’emportant sur la prudence vaudoise, le
mari d’Élise décida, avec la détermination qu’il mettait en toute entreprise, de
tenter la conquête de celle qui, d’après Chantenoz, n’avait eu le temps de
connaître des plaisirs de l’amour que le désir d’en savoir plus !
    Sans engager les sentiments, qu’il réservait à Élise, épouse
et mère, M. Métaz se mit en tête d’obtenir de la belle rousse de quoi
apaiser une fringale de chair féminine de plus en plus manifeste.
    Encore fallait-il trouver l’occasion d’aborder l’inconnue. On
venait d’annoncer que le dernier cours de M. Sainte-Beuve serait donné le
25 mai. Il ne restait donc que quelques jours avant que l’auditoire de l’écrivain
français se dispersât et que Marthe Bovey disparût, peut-être à jamais, de la
vue d’Axel Métaz. Présomptueux comme tous les mâles, le Vaudois s’estimait
capable de séduire. À plusieurs reprises, son regard vairon, volontairement
insistant, avait croisé celui, gris-vert, de la dame. Il avait remarqué que la
belle ne détournait pas les yeux aussi vivement que l’eût fait une femme indifférente
ou offensée. Le hasard, serviteur neutre et malicieux du Bien comme du Mal, fournit
enfin à Axel, quelques jours avant le retour d’Élise, l’occasion attendue. Un
après-midi, à l’issue de la conférence, il vit l’inconnue en conversation avec
plusieurs dames de la bonne société lausannoise dont sa mère, M me  de Fontsalte.
Il s’approcha du groupe et Charlotte, qui connaissait la famille de Marthe
Bovey, présenta son fils à la jeune femme.
    — C’est une grande liseuse, commenta Charlotte en
prenant le bras de la veuve.
    — Depuis la mort de mon mari, je n’ai trouvé de
consolation que dans les livres, soupira M me  Bovey, un peu
déroutée par le regard bicolore

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