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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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vertu dans les femmes, toute leur âme en est si fort dégradée, ce
point principal ôté en fait tomber tant d’autres, que l’on peut regarder, dans
un état populaire, l’incontinence publique comme le dernier des malheurs et la
certitude d’un changement dans la Constitution [97] . »
N’est-ce pas la sagesse, autant que la vertu, qui commande aux hommes de ne
point accorder à la chair la satisfaction de ses convoitises et, surtout, leur
interdit de rechercher pour ce faire le concours des femmes ?
    Axel qui, depuis plusieurs mois, observait une continence
forcée, jeta un regard à Louis Vuippens. Élise avait trouvé un argument moral
pour justifier l’abstinence qu’elle imposait à son époux.
    — Peut-être devrais-je me réjouir ! souffla-t-il, agacé,
à Vuippens, le seul qui fût au fait de son cas.
    — Je vois au-dessus de ta tête une auréole, comme
celles dont on coiffe les saints et martyrs catholiques sur les vitraux ! Tu
en as de la chance, mon bon ! persifla Louis.
    Le médecin avait fait le court voyage de Vevey « pour
voir quelle tête avait le grand homme qui remuait le cœur des Vaudoises avec
des histoires de religieuses hérétiques ».
    Dès le lendemain du premier cours de Sainte-Beuve s’étaient
trouvés, en ville, des moqueurs. Un luron imitateur, perché sur une table, parodiait
chaque soir, dans une taverne, devant un public où se côtoyaient étudiants
rieurs, buveurs désœuvrés et passants oisifs, la leçon dispensée l’après-midi.
    Ce canular contraria Sainte-Beuve et ses amis. Plus sérieusement
encore, des critiques fusèrent chez les radicaux, dont le quartier général
était le café Morand. On se gaussait de ceux et de celles, la plupart membres
ou sympathisants du parti libéral, qui assistaient aux prédications de M. Sainte-Beuve.
Le Nouvelliste vaudois, de tendance radicale depuis que Druey en avait
ravi la direction à Charles Monnard, s’en prit ouvertement au professeur invité
et, surtout, au sujet qu’il traitait. Les radicaux semblaient craindre que l’évocation
du jansénisme, qui avait été fatal à la communauté de Port-Royal, ne renforçât
la phalange des momiers. Des lettrés, comme Alexandre Vinet, osèrent répondre
aux articles hostiles à Sainte-Beuve.
    Les défenseurs du critique firent même circuler des vers vengeurs
contre les radicaux, « piliers de tavernes et détracteurs envieux d’une
société dont ils ne pouvaient apprécier la culture ».
     
    Leur goût est fin et sûr, leur génie est sans borne…
    Quand il s’agit des vins de la Côte ou d’Yvorne [98] ,
     
    écrivit un poète que l’on soupçonna
être Caroline Olivier.
    Sainte-Beuve, ainsi soutenu, poursuivit allègrement son
enseignement. Entre les cours, il s’efforçait de décourager, avec humour et
courtoisie, les convertisseuses patentées qu’on lui envoyait. Il donnait
cependant à entendre aux plus jolies de ces âmes pieuses qu’il pourrait se
montrer attentif à certains arguments, dont il évaluait rondeur et fermeté, si
elles acceptaient de les lui dévoiler dans l’intimité !
    Le bruit courut que certaines catéchistes particulièrement
zélées n’avaient pas hésité à payer de leur personne lors d’une ultime tentative
de conversion. Quand on interrogeait Alexandre Vinet sur les progrès de la
religion dans le cœur de Sainte-Beuve, l’honnête homme répondait un peu agacé :
« Je le crois convaincu, et non pas converti. »
    Lors de la réunion de fin d’année à Beauregard, Charlotte
rapporta qu’on murmurait, aussi, dans les salons de Lausanne, que certaines
dames, auditrices fidèles de M. Sainte-Beuve, qui désapprouvaient « qu’on
osât proposer à un homme d’honneur de changer de religion », se faisaient
donner des leçons particulières de jansénisme dans la chambre du maître, à l’hôtel
d’Angleterre !
    On citait nommément la jolie Suzanne Doÿ, fille d’un
libraire établi 26, rue du Grand-Chêne. Cette demoiselle ne manquait pas un
cours de Sainte-Beuve, qui fréquentait assidûment la librairie paternelle et
commandait des ouvrages que la jeune fille se faisait un plaisir de livrer à l’hôtel,
l’après-midi ! Flora, cliente du libraire, connaissait sa jolie fille. Elle
précisa que Suzanne, elle aussi engagée dans le mouvement pour la conversion du
grand homme, avait osé montrer ses essais littéraires à Sainte-Beuve.
    — Elle ne lui a pas montré que ses vers, dit

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